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Couples en espérance d'enfant


« Donne-moi des fils ou je meurs » implore Rachel dans le livre de la Genèse (30,1). La souffrance des couples en espérance d’enfant concerne aujourd’hui un couple sur six. En effet, 18 à 24 % des couples ne parviennent pas à avoir un enfant après 12 mois sans contraception, selon l’Inserm.

Alors que la stérilité désigne l’impossibilité d’avoir un enfant naturellement, l’infertilité est le fait de ne pas avoir mené une grossesse à terme après un an d’essais. C’est à ce moment-là que les couples sont invités à consulter un médecin pour rechercher des causes. Si l’on a plus de 35 ans, on recommande maintenant de ne pas attendre plus de six mois avant de consulter.

Au-delà des causes potentielles d’infertilité (troubles de l’ovulation, endométriose chez la femme ou sperme non fécondant chez l’homme par exemple) et du facteur de l’âge au moment du souhait de démarrer une grossesse – l’âge moyen de la femme au moment du premier enfant est de 30 ans en 2014 contre 26 ans en 1975, et l’âge de l’homme joue aussi -, c’est la souffrance des couples qui est centrale. Doute, colère, sentiment d’infériorité, repli sur soi, culpabilité, mise à l’épreuve du couple... Le désir viscéral d’enfant est aussi fort que la déception mensuelle de ne pas voir de grossesse arriver peut être vive.

Un élément clé et plus rarement évoqué concerne les réactions de l’entourage face à cette situation délicate. Parfois le soutien est réel, comme pour Aurélie et Nicolas, en espérance d’enfant depuis 8 ans : « Nous avons mesuré combien la prière de notre famille, de nos proches, et parfois même de personnes que nous ne connaissons pas, nous porte au quotidien et nous aide à avancer. Nous sommes toujours particulièrement touchés d’apprendre que notre intention est portée par d’autres. »

Mais d’autres couples ont pu être blessés par des maladresses involontaires de leurs proches, tout particulièrement pour les couples confrontés à l’infertilité secondaire – qui survient après avoir eu un ou plusieurs enfants : « Il se passe rarement un mois sans qu’on nous demande si on est finalement décidés pour en avoir un deuxième, ou quand est-ce qu’on le fait, que notre fils serait heureux d’avoir une petite sœur... » raconte Charlotte, mariée à Henri et mère de Tugdual (5 ans).

Marie, qui a fait trois fausses couches après la naissance de sa fille Raphaëlle (4 ans),

raconte une incompréhension face à l’infertilité secondaire : « Les gens ne comprennent pas pourquoi « ça a marché une fois, ça ne marche plus », on entend parfois « qu’on doit mal s’y prendre », « que c’est psychologique, dans la tête, qu’en fait vous ne voulez pas vraiment d’autres enfants ». Le regard des gens est également suspicieux : « Tu sais, il faut arrêter la pilule plusieurs mois avant d’avoir un autre enfant » (je ne l’ai jamais prise), « C’est pour ta carrière que tu ne veux pas d’autres enfants ? » On nous renvoie l’image d’un couple égoïste. Le milieu catho peut être, paradoxalement assez rejetant pour les couples qui sont dans notre cas. Notre souffrance n’est pas toujours entendue, on nous répond souvent de nous émerveiller de l’enfant que l’on a déjà. »

Pour l’entourage qui ne connaît pas forcément la réalité de la situation du couple, et même quand c’est le cas, il est difficile de trouver la bonne posture. Dans Une grossesse tant désirée (Pierre Téqui éditeur), la philosophe Marie Cabaud-Meaney, qui a eu une petite fille neuf ans après son mariage et est également confrontée à l’infertilité secondaire, donne des conseils à l’entourage concernant les pièges à éviter.

Tout d’abord, ne pas donner de conseils. Si la personne en parle, une simple écoute pleine de compassion suffit, ou avec un mot : « Je suis profondément désolé que tu souffres autant. » Mais si le couple n’en parle pas, il a de bonnes raisons, donc mieux vaut ne pas aborder le sujet et encore moins se montrer curieux.

S’il y a une grossesse à annoncer, mieux vaut ne pas attendre le dernier moment pour ne pas que le couple se sente exclu. Marie Cabaud-Meaney conseille de préférer un courriel plutôt qu’un coup de téléphone ou un face-à-face, permettant au couple de prendre le temps de passer par ce nouveau deuil de son infertilité, avant de pouvoir se réjouir. D’autres couples préféreront apprendre la nouvelle de vive voix, sentant qu’on prend en compte leur souffrance. Concernant les invitations aux baptêmes, il faut y intégrer le couple, mais aussi accepter une réponse négative dans le cas où le couple ne se sent pas le courage d’y assister, selon Marie Cabaud-Meaney. Evidemment, mieux vaut aussi éviter de se plaindre de son bébé qui ne fait pas ses nuits, car le couple donnerait beaucoup pour connaître cette fatigue-là !

Du côté du couple confronté à l’infertilité, les écueils sont également tentants, comme celui de garder rancune pour des paroles maladroites. Marie Cabaud-Meaney cite une prière de Mère Teresa qui l’a éclairée : « Les gens sont souvent déraisonnables, illogiques et centrés sur eux-mêmes : pardonne-leur quand même... » Et ce d’autant que ces personnes peuvent aussi porter des blessures intérieures qui réapparaissent à ce moment. Envier les autres - ces femmes qui deviennent enceintes en un éternuement - est naturel mais doit ensuite être accepté et offert à Dieu.

Une autre tendance qu’il faut éviter, selon Marie Cabaud-Meaney, serait celle de fuir, d’éviter la souffrance à tout prix, de ne pas faire le deuil d’une fécondité biologique. C’est seulement en pleurant son infertilité qu’on pourra être consolé par le Christ. A l’inverse, s’apitoyer sans fin sur son sort ou même chercher des raisons à cette épreuve empêcheraient d’accepter peu à peu sa souffrance et de poser des actes de confiance en Dieu.

Cette croix peut devenir un chemin personnel de sainteté, comme le dit saint Jean-Paul II dans Salvifici Doloris : « A travers les siècles et les générations humaines, on a constaté que dans la souffrance se cache une force particulière qui rapproche intérieurement l’homme du Christ, une grâce spéciale. »

La dernière – et très forte – tentation du couple confronté à l’infertilité est la division. D’une part parce que les unions conjugales peuvent être soumises à une logique uniquement procréative et perdre leur dimension de communion spirituelle. D’autre part, l’homme et la femme souffrent différemment, notamment parce que la femme est appelée à vivre la maternité dans son corps en portant l’enfant, ce qui n’est pas le cas de l’homme. Chacun peut se replier, au lieu d’encourager l’autre à extérioriser sa douleur. C’est pourquoi il est important que les rendez-vous médicaux se fassent ensemble, car c’est une infertilité commune - « Et tous deux deviendront une seule chair » (Mt 19, 5) - et non celle de l’un ou de l’autre. Montrer à l’autre sa valeur et rire ensemble des difficultés permet aussi d’avancer.

L’expérience de l’infertilité peut donc aussi rapprocher les époux : « Le positif de cette situation est que nous avons vraiment appris à communiquer avec mon mari, et non plus à juste se parler, raconte Charlotte. Un peu de manière forcée certes, mais pour tenir bon, il faut pouvoir vraiment se dire les choses, se soutenir alternativement... Nous nous rendons maintenant compte d’un énième décalage avec les couples de notre génération : c’est que nous communiquons de manière beaucoup plus fine et ciblée, et souvent vraie. »

L’épreuve de l’infertilité a également soudé Aurélie et Nicolas : « Bien sûr, cette attente nous fait souffrir, mais nous rions aussi franchement de certaines situations, de certaines remarques. Cette épreuve nous a transformés, elle nous façonne au fil des mois, nous fait grandir malgré tout. Nous ne sommes pas les mêmes que si nous avions eu des enfants rapidement, nous ne sommes plus les mêmes qu’après quelques années d’attente. Avant tout nous sommes profondément heureux et nous avons beaucoup de chance ! »Solange Pinilla

Article paru dans Zélie n°14 (Novembre 2016 - Crédits photos : © Aleksandra Suzi/Shutterstock - © Claire Sallé de Chou - https://claires2c.wordpress.com

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