S'alimenter selon Hildegarde de Bingen
Manger, c’est se soigner. Certains aliments apportent de la joie et d’autres la tristesse, d’après sainte Hildegarde de Bingen. Il s’agit alors de retrouver un équilibre.
Se nourrir n’est pas anodin : « Quand l’être humain mange, il sacrifie une vie - un lapin par exemple - pour nourrir sa propre vie, explique le Père Pierre Dumoulin, spécialiste de sainte Hildegarde de Bingen. C’est le côté sacré de la nourriture, d’où la bénédiction de la table. L’homme ne peut contrôler tous les effets que va produire sa nourriture. » C’est ce que sainte Hildegarde appelle les « subtilités » des créatures, cette dimension qui nous dépasse, qui fait qu’on ne peut réduire un aliment à l’ensemble de ses principes actifs.
« Hildegarde n’a pas décrit les aliments en fonction de leur teneur en calories et en vitamines, mais en fonction de leurs vertus curatives (principe de subtilité), de sorte qu’on ne fera pas de différence entre un aliment et un remède » affirme le Dr Wighard Strehlow dans L’art de guérir par l’alimentation selon Hildegarde de Bingen (éditions François-Xavier de Guibert).
Hildegarde, dans ses livres Physica et Causae et Curae, où elle a fait rassembler ses connaissances par des moniales, conseille une alimentation fondée sur les céréales, la plupart des fruits et légumes, avec un usage modéré de viande, de gibier et de poisson, de lait et de produits laitiers, d’herbes, de condiments et de boissons. C’est le Dr Gottfried Hertzka qui a testé sur ses patients et vulgarisé les remèdes de sainte Hildegarde à partir des années 1950.
La reine des céréales, selon Hildegarde, est l’épeautre (non hybridé). Celui-ci contient en effet des hydrates de carbone favorables à l’énergie musculaire et à l’endurance, des protéines pour la régénération des cellules du corps, des lipides pour la reconstitution des gaines protectrices des cellules nerveuses, et surtout l’ensemble des 45 minéraux et oligoéléments dont le corps a besoin, notamment pour le renouvellement de la structure osseuse ou la régulation du rythme cardiaque.
Le Dr Strehlow conseille de consommer de l’épeautre trois fois par jour sous différentes formes : bouillie d’épeautre, pain d’épeautre, riz d’épeautre, nouilles d’épeautre, potage à la semoule d’épeautre ou encore laitue pommée aux grains d’épeautre, sans compter les biscuits à l’épeautre. De nombreuses préparations sont proposées par les magasins spécialisés (listés ici).
Concernant les fruits et légumes, Hildegarde recommande les pommes, les poires, les coings, les cerises, les oranges et citrons, les nèfles, les amandes, les châtaignes ou encore les framboises. Côté légumes, elle vante les vertus du fenouil, des haricots, des pois chiches, des courges ou encore de la laitue. Ces aliments apportent généralement « chaleur » et « joie » à l’organisme et donc à toute la personne. Un classique de la cuisine dite hildegardienne s’appelle donc logiquement Les recettes de la joie par Jany Fournier-Rosset (éditions Téqui).
En revanche, Hildegarde déconseille les fraises car « elles poussent près du sol et même dans l’air vicié » par les champignons ; les pêches qui « embarrassent l’estomac » ; les prunes à cause de leur acidité et le poireau qui « met le sang et les humeurs de l’organisme à l’envers » par sa teneur en composés soufrés, comme le précise le Dr Strehlow.
Fait qui peut surprendre aujourd’hui, la médecine selon Hildegarde déconseille l’excès de fruits et légumes crus car « ils ne peuvent pas être facilement digérés dans l’estomac parce qu’ils n’ont pas été d’abord tempérés (...) par le feu ou par quelque autre condiment. » En effet, « le cru va demander un effort à la digestion, pour mettre le bol alimentaire à la température du corps - 37° -, ce qui prive l’organisme d’une dose d’énergie » explique Emmanuelle Philipponnat, naturopathe à Reims et présidente de l’association « La Maison de Sainte Hildegarde ».
Hildegarde recommande également de nombreuses herbes et plantes aromatiques, parmi lesquelles le galanga, de la famille du gingembre, qui calme la douleur et favorise la digestion. Les plantes curatives inspirent aussi des produits cosmétiques, comme la ligne Viriditas créée par la marque « Les Jardins de Sainte Hildegarde » - dont nous avons testé et approuvé le Lait virginal bio Rosée des lys, fleuri et rafraîchissant. Enfin, Hildegarde consacre des écrits aux vertus thérapeutiques des pierres précieuses.
Bien sûr, l’alimentation ne peut être séparée d’une hygiène de vie qui fait s’équilibrer repos et activité, prière et méditation, selon la devise bénédictine « Ora et labora » (Prie et travaille). Sainte Hildegarde recommande également le jeûne de temps en temps.
Ces conseils sont-ils vraiment efficaces ? Ils semblent l’être pour nombre de personnes. « Une dame me disait encore récemment qu’elle se sentait en meilleure santé depuis quatre mois qu’elle suivait les conseils d’Hildegarde de Bingen, raconte Emmanuelle Philipponnat, et qu’elle ressentait un bien-être et une joie qu’elle n’avait pas éprouvés depuis des années. »
Le Père Pierre Dumoulin témoigne pour sa part : « Cet hiver, j’avais un rhume qui durait depuis des semaines. Lors d’une session sur sainte Hildegarde, on m’a conseillé de prendre de la poudre de géranium. Je n’étais pas vraiment convaincu, mais deux jours après avoir pris cette poudre, mon rhume était fini ! Je connais également un moine qui s’est débarrassé de ses migraines en mangeant de l’épeautre pendant plusieurs mois.» Une bonne façon de prouver que l’homme est vraiment lié à la Création. • Solange Pinilla
Recette hildegardienne > Salade multicolore
Pour 4 personnes
Ingrédients • 2 carottes • 2 petites courgettes • 1 petit concombre • Une demi botte de radis • Des graines torréfiées • Vinaigrette
La veille, coupez le concombre en 2, ôtez les graines puis taillez-le en rubans. Faites-le dégorger dans une passoire avec du gros sel. Le jour-même, lavez les autres légumes. Avec une mandoline, taillez les carottes et les courgettes en rubans. Détaillez les radis en tranches très fines. Faites cuire à la vapeur douce les légumes ou faites-les blanchir dans de l’eau bouillante salée, pendant 3 à 5 minutes (rincez-les aussitôt à l’eau froide pour stopper la cuisson). Placez tous les rubans de légumes dans un saladier. Arrosez de vinaigrette et parsemez d’un mélange de graines.
Suggestions Ajoutez quelques herbes ou des plumets de fenouil. Vous pouvez donner une touche supplémentaire de couleur en parsemant cette salade de quelques lamelles de betterave cuite.•
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Article paru dans Zélie n°11 (Juillet-Août 2016) - Crédit photo : Markus Spiske/raumrot.com CC