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Au cœur de la catéchèse du Bon Berger


Inspirée de la pédagogie de Maria Montessori, la catéchèse du Bon Berger propose aux enfants à partir de 3 ans de faire l’expérience de l’amour de Dieu, à travers l’annonce de la Parole et la Liturgie. Sofia Cavelletti a développé cette catéchèse pendant plus de soixante ans. Ses ouvrages Le potentiel religieux de l’enfant de 3 à 6 ans et la suite de 6 à 12 ans sont parus chez Artège. Violaine Moulière, catéchiste du Bon Berger à la paroisse sainte Jeanne d’Arc à Rennes (1), nous raconte son expérience.

• Comment est née la catéchèse du Bon Berger ?

Violaine Moulière : Le travail de Maria Montessori a été approfondi et développé par Sofia Cavalletti, théologienne italienne, et Gianna Gobbi, institutrice Montessori, au milieu des années 1950 ; d’abord chez Sofia Cavalletti à Rome, puis en Italie et dans le monde entier. Les enfants de tous pays s’immergent avec joie dans cette catéchèse, que plus de 28 pays pratiquent aujourd’hui. Des évêques du monde entier ont donné leur imprimatur et le pape Jean-Paul II lui-même a visité l’atrium du Bon Berger de Rome. Les Missionnaires de la Charité y sont toutes formées pendant leur noviciat.

En France, c’est Sofia Cavalletti elle-même qui a fondé le premier atrium dans une école Montessori de Rennes, mais cette catéchèse n’a commencé à vraiment se déployer qu'à partir de 2005-2010 environ : Paris, Lille, Roubaix, Amiens, Laval, Lyon, Strasbourg, etc. Dans notre paroisse à Rennes, la catéchèse du Bon Berger est proposée depuis septembre 2013.

Depuis ses débuts, cette catéchèse se laisse façonner par l’enfant : l’approche est expérimentale. Sofia Cavalletti n’a gardé que ce qu’elle a constaté être en adéquation avec les besoins spirituels des enfants, en fonction de leur âge, grâce à la joie profonde qu’elle constatait chez eux ou non lors des présentations. En ressort un chemin spirituel à la fois simple et transcendant, qui a fait exulter Jésus de joie d’avoir révélé cela aux tout-petits.

Cette catéchèse est d’ailleurs régulièrement actualisée par le Consiglio international en fonction des évolutions de l’enfant – par exemple, la présence des écrans chez les enfants d’aujourd’hui. Cette catéchèse permet ainsi la rencontre de ces deux mystères que sont le mystère de Dieu et le mystère de l’enfant. Elle ne consiste donc pas à simplement transmettre un savoir théorique. • Pourquoi commencer cette catéchèse dès 3 ans ?

Parce qu’à cette période – qui s’étend de 3 à 6 ans –, c’est l’âge de l’émerveillement, de la réceptivité maximale, de l’amour et de la protection. C’est le moment propice pour lui faire découvrir l’amour de Dieu, lui annoncer le kérygme.

A partir de 6 ans, c’est l’âge où émerge la vie morale, la conscience du bien et du mal. Si l’on attend seulement cet âge pour lui annoncer Dieu, il va concevoir Dieu comme quelqu’un qui nous aime quand nous faisons le bien, et qui ne nous aime pas quand nous agissons mal. Mais si l’on a découvert Dieu dans la période précédente, avant 6 ans, c’est de cette expérience de l’amour de Dieu que va découler la vie morale. • Quels sont les thèmes abordés selon les âges ?

Il y a trois niveaux : les 3-6 ans où on aborde « qui » : « Qui est Dieu ? Qui suis-je ? » ; les 6-9 ans, c’est le « quoi » : « Quel est le plan de Dieu ? Quelle est ma place dans ce plan ? » ; et les 9-12 ans le « comment » : « Comment Dieu m’appelle-t-il à travailler au Royaume ? Comment puis-je y répondre avec mes talents ? »

La catéchèse du Bon Berger a une approche christocentrique, c’est-à-dire qu’on commence par rencontrer la personne du Christ. On ne va donc pas suivre un ordre chronologique ; en effet de 3 à 6 ans, il est trop tôt pour parler du péché originel.

Cette rencontre va essentiellement se vivre à travers la parabole du Bon Berger : l’enfant qui a besoin de l’amour protecteur prend peu à peu conscience que c’est lui, la brebis. Un enfant peut passer des séances entières à déplacer les brebis et se réjouir d’être aimé à ce point...

L’enfant est aussi très réceptif à d’autres passages de l’Écriture : les paraboles du Royaume ; les récits de l’enfance de Jésus comme l’Annonciation ou la Nativité ; la Cène. Il découvre la liturgie à travers les couleurs, les vêtements et les objets de la messe, mais aussi les gestes eucharistiques et le baptême, sans oublier la géographie d’Israël. C’est une catéchèse très incarnée !

De 6 à 9 ans, c’est l’âge de l’esprit raisonnant, de l’abstraction, mais aussi de la vie sociale. Ils vont approfondir toutes les notions abordées de 3 à 6 ans puis en faire des travaux de synthèse. Ils découvrent l’Histoire du Royaume de Dieu : d’où l’on vient – la Création –, où l’on est – la Rédemption – et où l’on va : vers la Parousie où « Dieu sera tout en tous » (cf. 1 Corinthiens 15, 28). Les enfants sont invités à connaitre les livres de la Bible et à y chercher eux-mêmes les passages dont ils ont été bercés de 3 à 6 ans.

La parabole centrale pour cette période est celle de la Vigne véritable, qui montre que nous sommes intimement unis à Jésus. La vie morale est nourrie grâce aux paraboles de miséricorde. La prière communautaire animée à tour de rôle par plusieurs enfants vient maintenant rythmer les séances. Une préparation spéciale au sacrement de Réconciliation et à la Première communion est proposée au cours d’une retraite de plusieurs jours.

Enfin de 9 à 12 ans, les enfants réfléchissent à la manière de répondre aux dons de Dieu et devenir disciples missionnaires. • Qu’est-ce que l’atrium, où se déroulent les rencontres de catéchèse ?

On parle d’atrium en référence au lieu où les catéchumènes se préparaient à la vie de l’Église. Dans la catéchèse du Bon Berger, c’est un lieu mi-sacré, mi-profane. En effet, c’est un lieu de vie religieuse – et non d’éducation –, mais le matériel liturgique est factice et il n’y a pas de Présence réelle. C’est un lieu de silence, propice à la concentration et à la méditation personnelle. Si les enfants sont agités, c’est que l’on ne répond pas suffisamment à leurs besoins sensoriels et spirituels. Dans l’atrium est rangé le matériel réalisé par les catéchistes. • Comment se déroule une séance ?

Ce sont des rencontres hebdomadaires de deux heures. Ce rendez-vous revient donc régulièrement, car on apprend à connaître quelqu’un en passant du temps avec lui ; ces deux heures permettent de découvrir Jésus, de le connaître, de l’aimer puis de demeurer avec lui.

Les enfants sont accueillis dans l’atrium, le plus souvent individuellement. Ils travaillent en autonomie avec ce qu’ils connaissent déjà. Puis, quand un enfant est prêt, le catéchiste lui fait une présentation. L’enfant et le catéchiste vont d’abord écouter la Parole de Dieu, telle qu’elle est dans le Bible, puis ils vont la ré-écouter avec un matériel spécifique, une sorte de deuxième incarnation de cette Parole – comme la crèche peut incarner l’évangile de la Nativité par exemple.

Un temps de méditation s’ensuit : le catéchiste est un « serviteur inutile » (cf. Luc 17, 10) qui pose des questions, amenant l’enfant à y réfléchir par lui-même ; il dit par exemple : « Je me demande qui peuvent être ces brebis... » Ainsi, quand l’enfant trouve la réponse, il a la joie de « déballer son cadeau ». Sinon, si on lui donne la réponse, c’est comme si on l’avait déjà déballé pour lui… C’est le moment où jaillissent les prières spontanées d’action de grâces.

L’enfant travaille ensuite seul et en silence avec le matériel qui lui a été présenté – en déplaçant des personnages par exemple –, tout en écoutant la Parole de Dieu correspondante. Il peut aussi la dessiner, en recopier des versets, ou travailler avec des pochoirs, des puzzles... Cela permet à l’Esprit-Saint – le premier catéchiste ! – de lui parler, à travers cette manipulation sensorielle.

Les 3-6 ans aiment beaucoup la répétition : Sofia Cavelletti demandait à un enfant, qui passait toutes ses séances à préparer le calice en y ajoutant quelques gouttes d’eau – qui représentent les hommes – dans le vin – qui représente Jésus –, ce qu’il faisait ; il avait répondu : « Je me perds en Jésus. »

Les plus grands (6-9 ans) se lancent dans de grands travaux qui peuvent durer plusieurs séances, souvent à deux : par exemple de grands rouleaux où ils se situent dans le déploiement du Royaume dans l’histoire, ou bien la recherche de synthèse entre différents textes bibliques • Quels fruits de cette catéchèse avez-vous observés chez les enfants ?

D’abord, une prise de conscience de l’amour du Bon Berger. Puis un changement d’attitude à la messe, où les enfants vont davantage avec joie, car maintenant ils savent ce que sont un calice, une patène, le sens des couleurs liturgiques, les gestes de l’épiclèse ou de la doxologie. Ils montrent un grand amour de la Parole de Dieu, et de Jésus Eucharistie. Cette vie spirituelle peut avoir des répercussions dans la famille : par exemple, un enfant qui veut animer la prière du soir chez lui, ou à l’école : nous accueillons cette année une enfant qui demande le baptême, grâce à sa voisine de classe qui lui a parlé de l’atrium.

Et il y aussi des fruits très beaux chez les catéchistes qui y vivent une véritable conversion. C’est comme si les tout-petits nous prenaient par la main pour nous faire goûter ce que le Père du Ciel leur a révélé (Luc 10, 21). Quelle espérance pour l’Église et pour le monde que de tels lieux spirituels tracent le chemin d’une nouvelle évangélisation des petits… comme de leurs aînés ! • Propos recueillis par Solange Pinilla

Une catéchiste témoigne

« Je revois cette enfant priant devant l’autel qu’elle venait de dresser, mystérieux moment saisi de ce cœur à cœur avec Dieu, qu’on peine parfois tant à trouver quand on est grand et qui a l’air si évident pour ces enfants, raconte Marie Giaume. En fait, je crois que c’est ça qui me frappe particulièrement : c’est l’évidence dont sont habités les enfants d’être appelés, connus et aimés depuis et pour toute l’éternité. »

(1) bonbergerjda@yahoo.fr

Article paru dans Zélie n°20 (Mai-Juin 2017)



Crédit photo : Violaine Moulière

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