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Chiara Petrillo, héroïque dans l'épreuve



Le 13 juin 2017, l’Eglise a ouvert le procès en béatification de Chiara Corbella, morte en 2012. Mariée à Enrico Petrillo, cette jeune Italienne a perdu deux enfants à la naissance, puis a décidé de retarder le traitement de son cancer afin de ne pas mettre en danger son troisième enfant et le laisser naître à terme.

Lorsqu’on lit leur histoire écrite par leurs deux meilleurs amis, Simone Troisi et Cristiana Paccini, Nous sommes nés et ne mourrons jamais plus (Artège), on ressent une singulière émotion, un peu comme lors de la lecture de la vie de la jeune Anne-Gabrielle Caron (1). D’une part, par la plongée au cœur de l’épreuve, car la souffrance n’est pas éludée, et il n’y a pas de Résurrection sans Passion ; et simultanément, la sensation de toucher une dimension qui n’est pas de ce monde, une grâce surnaturelle, un sentiment d’éternité.

Mariés le 21 septembre 2008 à Assise, Chiara et Enrico ont vécu des fiançailles tumultueuses, marquées par des ruptures. En effet, Enrico vient de perdre son père et a eu peur de l’abandon et donc de l’engagement. Cette période de désert a été, selon eux, bien plus difficile que les épreuves qui suivront. Cela a aussi été l’occasion de prendre conscience qu’on ne peut posséder autrui et que rien n’est dû. Finalement, lors d’une marche vers Assise, Enrico demande Chiara en mariage. Elle a 24 ans et lui 29.

Très vite après leurs noces, alors que le couple s’est installé à Rome, ils apprennent qu’ils attendent un bébé. Lors d’une échographie, ils découvrent que leur petite fille est atteinte d’anencéphalie, c’est-à-dire qu’elle n’a pas de boîte crânienne et n’est pas viable. Pour les deux époux, il est hors de question d’avorter : ils veulent laisser leur fille, qu’ils nomment Maria Grazia Letizia, vivre jusqu’au bout.

« Elle a ouvert nos cœurs, racontera Enrico. La porte s’est ouverte et la grâce est entrée, le vrai amour, le sens de la vie, l’éternité. Maria Grazia Letizia a fait cela. » Les deux époux vivent la grossesse comme une grâce, et la naissance de leur fille est un grand moment de bonheur. Quarante minutes après sa naissance et son baptême, Maria Grazia Letizia naît au ciel. Enrico soulignera : « Quel est le but de notre vie sinon celui de rencontrer Jésus-Christ tôt ou tard. Je me demande où est sa malchance, car [Maria Grazia Letizia] est déjà là-bas... »

Quelques mois plus tard, Chiara et Enrico décident de débuter une nouvelle grossesse. à l’échographie, le diagnostic tombe : leur enfant à naître, qu’ils appellent Davide Giovanni, a également une malformation : il n’a pas de jambes... Malgré la douleur, les jeunes parents restent confiants, et ce d’autant plus qu’ils ont vécu une expérience proche et n’ont pas été déçus par l’aide de Dieu. Le bébé, baptisé in extremis, ne vit que trente-huit minutes. C’est encore un moment de tendresse, marqué par la joie.

Chiara écrit à propos de Davide : « C’est un petit enfant qui a reçu de Dieu un très grand rôle... celui de terrasser tous les Goliath qui sont en nous : abattre notre pouvoir de parents de décider sur lui et pour lui. (...) Il a abattu le désir de celui qui prétendait qu’il était le fils de la consolation, celui qui aurait fait oublier la souffrance de Maria Grazia Letizia. » Le jour des funérailles, ils accrochent un panneau avec des photos du jour de la naissance de Davide Giovanni, et ces mots : « L’important dans la vie n’est pas de faire quelque chose, mais de naître et de se laisser aimer. »

Quelques mois après, Chiara est à nouveau enceinte, cette fois d’un enfant en parfaite santé. Ils décident qu’il se nommera Francesco. Pendant la grossesse, la jeune femme sent un petit aphte sur la langue, qui grossit. En faisant une biopsie, c’est-à-dire un prélèvement sur la lésion, les médecins constatent qu’il faut retirer celle-ci en urgence. Une première intervention est faite, avec une anesthésie locale, afin de programmer la deuxième étape après l’accouchement. Chiara garde le sourire dans l’épreuve ; le matin de l’opération, Chiara et Enrico disent ensemble les laudes dans la chambre d’hôpital.

Les suites de l’opération sont difficiles pour la jeune femme, qui ne peut temporairement plus parler, a des difficultés à avaler et souffre beaucoup du fait de l’impossibilité de prendre des antidouleurs adaptés à cause de sa grossesse. Pendant quelques heures, elle se sent abandonnée de Dieu. Puis, voyant son mari plein d'attentions, elle comprend que Dieu continue de l’aimer à travers celui qu’il a mis à ses côtés, ce qui met un terme à ces heures de détresse spirituelle.

Le diagnostic est confirmé : c’est un carcinome, un cancer de la peau. Chiara et Enrico ne veulent pas avorter le bébé, ni provoquer un accouchement prématuré. Pourtant, attendre le terme de la naissance compromettrait l’efficacité des soins. Chiara ne veut pas risquer la vie de son enfant pour sauver la sienne : Francesco doit naître au moment où il pourra vivre sans couveuse ni risques de santé. Enrico est d’accord, même si c’est difficile pour lui. La naissance de Francesco a donc lieu spontanément, deux semaines avant le terme.

Deux jours après, Chiara subit une opération pour nettoyer les ganglions lymphatiques. C’est une période douloureuse pour la jeune maman. Elle apprend qu’elle a une tumeur et va entamer des cycles de chimiothérapie et de radiothérapie. Les effets secondaires, comme les vomissements et les saignements de la peau, l’épuisent. Après une période où elle va mieux, une biopsie met en évidence des métastases en avril 2012. Chiara n’a plus que quelques mois à vivre.

Juste après l’annonce par le médecin, les deux époux se rendent à la chapelle de l’hôpital ; ils s’enlacent et répètent les promesses de leur mariage. Chiara demande à son mari : « Ne me dis pas combien de temps il me reste, car je veux vivre l’instant présent. » Elle affirmera ensuite : « Chaque jour il y a une grâce, jour après jour. Je dois seulement lui faire un peu de place. » Enrico ne dira pas autre chose : « Le passé à la miséricorde, le présent à la grâce, l’avenir à la providence. »

Chiara est entourée par la prière de sa famille et de nombreuses personnes, qui se rassemblent régulièrement autour d’un chapelet à son intention. Elle reçoit des soins palliatifs. Avec son mari, ils organisent un pèlerinage à Medjugorje, lieu de leur rencontre ; de nombreux amis y participent. Pour ne pas voir double, elle a un œil bandé ; quand des enfants lui en demandent la raison, elle répond qu’elle s’est déguisée en pirate, puis fait une grimace, ce qui fait rire les enfants. Le pèlerinage permet de redonner la sérénité à ses proches, dont la tristesse de certains commençait à lui peser.

Après une rencontre avec le pape Benoît XVI (en photo ci-dessus, avec Chiara et Enrico à droite), elle s’installe avec son mari dans la maison de campagne de ses parents, près de Rome. Des personnes affluent pour prier, touchées par la paix et la joie qui émanent de Chiara. Enrico fait preuve d’une grande maturité spirituelle : « Si ma femme est prête à aller vers celui qui l’aime plus que moi, pourquoi devrais-je en être mécontent ? »

Après avoir redit son amour à ses parents, sa sœur et son mari, et prié avec le Père Vito qui les accompagne depuis le début, Chiara meurt le 13 juin 2012. Elle a 28 ans.

Comme sainte Jeanne Beretta Molla en 1962, ou encore Caroline Aigle en 2007 (à la différence que cette dernière se savait condamnée), Chiara a préféré laisser toutes les chances de vie à son enfant, au risque de la sienne. Par ce choix héroïque, la jeune Italienne a montré que même au cœur de la maladie – que ce soit la sienne ou celle de deux premiers enfants –, il y a la vie. Une vie éternelle déjà commencée.Solange Pinilla

(1) Marie-Dauphine Caron, Là où meurt l’espoir, brille l’Espérance (éditions du Sacré-Cœur) et notre article "La leçon d'espérance d'Anne-Gabrielle Caron"

Article paru dans Zélie n°23 (Octobre 2017) - Crédit photos © Éditions Artège






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