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La sainteté pour tous


Bonne nouvelle en ce mois de novembre qu’inaugure la fête de la Toussaint : vous toutes qui gardez comme un trésor la grâce du baptême, vous êtes saintes ! Peut-être pas de cet héroïsme de la charité qui caractérise les personnes canonisées – encore que... – mais au moins saintes par cette vie divine reçue et conservée dans l’âme.

Il y a effectivement plusieurs degrés dans la sainteté. Le « Smic » de la sainteté nous a été donné lorsque nous avons été portés sur les fonts baptismaux. Dès lors il n’y a rien d’étonnant à ce que saint Paul appelle par exemple les fidèles Colossiens « saints qui sont à Colosses » (Col 1, 2). Bien sûr, ce mystère trouve son accomplissement dans l’éternité : si la grâce est présente dans notre cœur au moment où nous quittons la terre, nous entrons dans le Royaume des cieux (1). Nous sommes alors fêtés par l’église le 1er novembre... à moins d’être canonisés, auquel cas une célébration spéciale est fixée à la date de notre « naissance au Ciel » ! Prenons conscience de cette destinée qui nous est proposée. Dieu seul est Saint, Dieu seul est Dieu. Cependant Il peut nous diviniser, nous rendre saints avec Lui.

Comment cela se réalise-t-il ? Le baptême nous lave d’abord du péché originel. De fait, nous naissons héritiers d’une nature qui devait être un écrin accueillant la grâce divine, mais qui, depuis la faute des premiers hommes, ne possède plus celle-ci. L’eau baptismale enlève donc cette tache en infusant la vie de Dieu (2). Elle efface aussi les éventuelles fautes personnelles et les peines dues au péché. Le baptême a donc pour premier effet d’assainir quelque peu les lieux, même si certaines conséquences de la faute originelle ne disparaîtront que lorsque nous entrerons dans l’éternité. On l’a compris : il s’agit d’abord de guérir. Cela fait, nous sommes ensuite élevés, hissés à la hauteur du Seigneur. Seul Dieu peut réaliser cela. Et Il le fait par le baptême qui nous donne d’entrer dans son intimité en devenant ses enfants. Fils et filles d’un même Père, nous nous reconnaissons frères et sœurs dans le Christ, nous appartenons à l’église.

Saint Thomas d’Aquin a écrit des lignes lumineuses lorsqu’il a expliqué que la charité – le cœur de la grâce baptismale – pouvait d’abord être vue comme une amitié (3), un amour par lequel nous ne voulons pas l’autre pour notre utilité ou notre plaisir égoïste, mais où nous nous donnons, où nous cherchons le bien de l’ami et nous réjouissons de sa joie. Pour bien comprendre, il faut ajouter que l’amitié est un amour réciproque qui vit du partage d’un patrimoine commun. Dès lors, on voit comment la charité réalise toutes ces conditions : Dieu s’intéresse à nous, Il veut notre bien. Il y a même travaillé à grands frais, par son Incarnation et sa Pâque. Ainsi sa vie devient notre vie. Dieu nous fait ressembler à Lui et nous communique ce qu’Il a de plus précieux, Lui-même.

De notre côté, nous ne pouvons rien ajouter au bonheur de Dieu, mais nous nous réjouissons de sa joie et nous pouvons nous donner à Lui en vivant son projet. Relisons Saint Paul : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné » (Romains 5, 5). Toutefois, si la charité est une amitié, une vie, elle est appelée à s’incarner et à grandir. L’amitié se nourrit d’un dialogue avec l’autre. Le chrétien fait donc du Christ son compagnon de route et, en plus de moments d’oraison plus contemplative, il peut enrichir ses heures de courtes prières par lesquelles il adore, remercie, demande...

L’amitié suppose aussi un projet commun, qui correspond ici aux commandements, donnés par Dieu pour notre épanouissement personnel et social : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 14, 14). Toute belle action peut ainsi être offerte et toute tentation dépassée devient une preuve de notre amour pour Dieu. En clair : lorsque nous recevons un sacrement, lorsque nous faisons telle prière ou tel acte de charité, la grâce du Seigneur augmente en nous, elle s’affermit en nos cœurs.

Inversement, les petites fautes corrodent ce capital précieux de l’amitié divine. Plus encore, un éventuel péché mortel supprime celui-ci. L’amitié est réellement rompue (lire encadré ci-dessus). Le pécheur ne peut alors plus s’approcher de la communion qui est le signe de cette amitié commune. En réalité, seule la grâce de la confession rétablira la vie divine dans l’âme et redonnera l’accès aux autres sacrements. La foi chrétienne inclut donc la conviction suivante : perdre la grâce est le pire malheur qui puisse arriver à une personne.

Blanche de Castille s’était montrée une éducatrice de grande valeur en répétant à son fils Saint Louis : « Mon fils, je vous aime énormément mais je préférerais vous voir mort à mes pieds plutôt que coupable d’un seul péché mortel ». Le sens des priorités était respecté : la vie de l’âme vaut plus que celle du corps (cf. Luc 12, 4).

Focus : Quand un péché est-il grave ?

Si la première mission du chrétien consiste à éviter à tout prix le péché mortel qui nous séparerait de Dieu, il est important de comprendre les conditions pour qu’un péché soit effectivement mortel. On en compte trois (cf. Catéchisme de l’église catholique n°1857) :

- Faire quelque chose de grave. Quelques exemples en vrac : renier sa foi, tuer volontairement quelqu’un, voler une grosse somme d’argent (comme l’équivalent d’une journée de salaire), commettre l’adultère, regarder une vidéo pornographique, manquer la messe du dimanche par sa faute (cf. CEC 2181)... En soi, tous ces péchés sont mortels, même si dans cette catégorie certains sont encore plus importants que d’autres.

- En sachant – au moment où on pose l’action – que c’est grave. Si la personne ne pouvait pas le savoir et ne l’apprend que plus tard, la condition n’est pas remplie. Le jugement sur les actions est plus ou moins simple selon les cas : certains actes sont tellement mauvais que même des non-chrétiens sont d’accord pour les condamner, alors que pour juger d’autres actions, une éducation de l’intelligence peut être nécessaire.

- En le voulant librement. Un état pathologique, le fait d’avoir été drogué, le demi-sommeil.... peut rendre vénielle ou non coupable une action qui de soi était grave.

Les trois conditions doivent être réunies : s’il en manque une, le péché n’est pas mortel et la vie divine reste dans l’âme. On ne s’est alors moqué gravement ni de Dieu, ni de son projet. Le Seigneur, qui est à la fois juste et bon, tient compte des circonstances atténuantes. Quant à nous n’hésitons pas, notamment dans la confession, à poser les questions qui formeront notre jugement de conscience. Rappelons également autour de nous que la miséricorde divine surpasse tous les péchés !

Rechercher la sainteté, c’est donc vivre de cette amitié et profiter de toutes les occasions pour faire grandir celle-ci. Cela se réalise d’abord dans la vie quotidienne. D’ailleurs, il n’est pas possible de pratiquer les vertus naturelles et surnaturelles à un niveau héroïque, exceptionnel – ce que tous les saints canonisés ont fait – sans marcher sur ce chemin au jour le jour. C’est dans la vie quotidienne que la foi nous fait contempler le Seigneur et voir le monde avec le regard de Dieu. C’est d’abord là que la charité nous permet d’aimer Dieu comme Il s’aime et de nous aimer les uns les autres comme le Christ nous a aimés (cf. Jean 15, 12).

On le voit : la vie divine vient irriguer chaque action, tout peut être réalisé au nom de cet amour. Cependant il est évident que nous ne deviendront pas saints et saintes par nos seules forces : « Sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jean 15, 5). Pour aimer Dieu, nous avons besoin de Lui !

Dans le même temps c’est bien nous qui, librement, disons oui ou non au Seigneur. Dieu peut mettre autant de carburant que possible dans notre réservoir, personne d’autre que nous ne pourra tourner la clé de contact et faire l’effort d’appuyer sur l’accélérateur... Bonne route à toutes !

Abbé Vincent Pinilla, Fraternité Saint Thomas Becket

(1) Moyennant, si nécessaire, une ultime purification, comme le rappelle le Catéchisme de l’église catholique (n°1030). Au purgatoire, les âmes sont établies dans la ferveur de la charité mais ne peuvent pas encore voir Dieu face à face. (2) Cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n°405. (3) Cf. Somme théologique, IIa-IIae, q. 23, a.1.

Article paru dans Zélie n°24 (Novembre 2017) - Crédit photo : PublicCo/Pixabay.com CC

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