Anne Coffinier, actrice de la liberté scolaire
Normalienne et énarque, Anne Coffinier est la directrice générale de la Fondation pour l’école qu’elle a créée il y a dix ans. Elle agit pour le développement des écoles indépendantes, afin de favoriser le libre choix des parents et la liberté des enseignants.
« Quand j’étais à l’École normale supérieure à Paris, j’ai entendu des enseignants désespérés par leur premier contact avec l’enseignement public, ne parvenant pas à transmettre ce qu’ils avaient reçu » raconte Anne Coffinier. Convaincue qu’il faut réformer en profondeur le système éducatif français, la jeune femme intègre l’Ena (École nationale d’administration) en 2000. Elle commence une carrière de diplomate mais songe toujours à une action dans le domaine de l’éducation.
Pour ce qui est de l’enseignement privé sous contrat d’association avec l’État, elle considère qu’il a perdu son indépendance et sa liberté, puisque trop souvent les professeurs sont formés de la même façon que dans le public et que les directeurs n’ont pas vraiment la liberté de recruter leurs professeurs.
A l’étranger au contraire, Anne a constaté que les écoles indépendantes permettent aux maîtres d’être libres de leurs moyens pédagogiques et comptables des résultats de leurs élèves. « Très variées, ces écoles correspondent mieux à la diversité des profils des enfants » affirme-t-elle.
A cette époque, Anne Coffinier se convertit au catholicisme et recherche « plus de sens global ». En 2004, elle lance l’association « Créer son école », qui offre un soutien juridique et pratique aux créateurs d’écoles innovantes. Trois ans plus tard, poussée par « l’urgence de la liberté scolaire », elle demande son détachement de la fonction publique. Elle crée l’Institut libre de formation des maîtres (ILFM) afin de former les enseignants des écoles primaires.
En 2008, elle lance la Fondation pour l’école, qui abrite aujourd’hui 11 fondations, dont la Fondation Lettres et Sciences qui a établi en 2016 l’École professorale de Paris, avec pour but de former les enseignants du secondaire.
Aujourd’hui, il existe plus de 1300 établissements scolaires indépendants en France, dont beaucoup sont aconfessionnels, et pour une partie de pédagogie Montessori ou Freinet. Ces écoles représentent 65 000 élèves, de la maternelle à la terminale, hors enseignement professionnel et technique. Même si ces jeunes ne représentent que 0,5% de la population scolaire en France, le nombre d’ouvertures d’écoles hors contrat est en hausse exponentielle : 122 à la rentrée 2017 contre 96 en 2016. L’année dernière, la fondation a créé un label de qualité pour les écoles indépendantes, inspiré de normes internationales de type ISO 9000.
« Nous voudrions obtenir le financement public du libre choix de l’école, dans le cadre de la liberté scolaire, mais cela est actuellement difficile dans notre système étatiste ; donc nous nous donnons des objectifs intermédiaires » souligne Anne Coffinier.
Au quotidien, cette quadragénaire dirige l’équipe de vingt personnes de la fondation – située dans le 18e arrondissement de Paris –, développe de nouvelles initiatives et réalise un important travail de plaidoyer auprès des responsables politiques et éducatifs. Elle défend les libertés d’enseignement quand les écoles hors contrat sont menacées par un projet législatif, et promeut également des projets comme l’obtention du financement d’accompagnateurs scolaires dans les écoles indépendantes.
Elle passe du temps à visiter les écoles et à voir les bienfaiteurs de la fondation, sachant qu’en 2016-2017, celle-ci a apporté plus de 6 millions d’euros au global, via ses fondations abritées dont Espérance banlieues.
« Cet engagement m’apporte la joie de servir, de faire quelque chose qui me paraît important, notamment au niveau spirituel car une partie de ces écoles sont des foyers de vitalité religieuse, raconte Anne Coffinier. Cependant je n’idéalise pas le hors contrat ; c’est une modalité, pas une religion ! »
Mariée et mère de famille, Anne est attentive à consacrer du temps à ses quatre enfants, qui « adhèrent à ce que je fais », souligne-t-elle. Le mercredi, ils sont sa priorité, et le soir, elle est avec eux de 18h à 21h, puis se remet au travail jusqu’à une heure du matin… Le matin où nous l’interviewons, elle s’est levée à cinq heures. Pas de demi-mesure pour un engagement de cette ampleur ! • Solange Pinilla
Article paru dans Zélie n°27 (Février 2018)
Crédit photo © Fondation pour l’école