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Charlotte et Albéric Bischoff, volontaires au Cameroun


Avril 2018


Albéric et Charlotte Bischoff, 39 ans, sont en mission au Cameroun avec l’ONG Fidesco depuis août 2016. Œuvrant au service du diocèse de Bafoussam, ils repartiront au mois de juillet. Le couple, marié depuis 2011, a trois garçons : Gabriel, Martin et Barthélémy. Albéric et Charlotte nous racontent leur projet, qu’ils vivent en tant que couple et parents.

Zélie : Racontez-nous votre rencontre et votre parcours jusqu’à la décision de partir en mission.

Charlotte et Albéric : Avant notre mariage, nous avons eu chacun la joie de nous mettre au service des autres en France et à l’étranger : scoutisme, visite des malades, animation auprès des jeunes, services d’église, bénévolat auprès des SDF... Pendant notre temps de fiançailles et le début de notre mariage, nous avons continué sur cette lancée : en réveillonnant avec les gens de la rue, en étant animateurs de camps de jeunes, par différents engagements en paroisse ou avec la communauté de l’Emmanuel.

La question d’un départ en mission s’est posée dès le démarrage de notre relation mais nous avions le désir de fonder une famille et de commencer notre vie de couple en France. En 2015-2016, nous avons suivi un parcours Zachée, qui nous a amenés à nous poser des questions et en ressortir de vieilles : « Et si on partait en mission ? » Nous avions conscience que notre vie en France était bien « réglée » et que même si on essayait d’être en service et de témoigner de notre foi, notre confort et notre « installation » nous freinaient un peu dans notre désir de nous donner.

Pourquoi êtes-vous partis en mission et comment avez-vous préparé ce projet ?

En janvier 2016, nous nous sommes lancés en postulant auprès de Fidesco. C’était juste après la naissance de notre troisième garçon ; nous avions beaucoup de questions à la fois pratiques et aussi profondes : « Est-ce qu’on avait vraiment envie de partir ou pas ? »

Le processus de formation avec Fidesco nous a beaucoup soutenus dans notre réflexion. Nous avions décidé de n’en parler à personne – quand il a fallu confier les enfants pour une session de discernement, nous avons plaidé une « retraite de couple » – et ce choix nous a vraiment aidés à rester très libres.

En avril 2016, nous avons fait un saut dans l’inconnu en disant « oui » à la mission – sans savoir où Fidesco nous enverrait – et en mai, la destination est tombée : Bafoussam, Cameroun ; Albéric comme directeur de l’imprimerie diocésaine et Charlotte, journaliste et gestionnaire de la radio. Début août 2016, après un marathon pour trouver des locataires, vider notre maison de Bourges ou encore faire une batterie de vaccins, nous nous sommes envolés pour le Cameroun, avec nos 3 petits blonds, plein de valises, et beaucoup d’appréhension et de joie mêlées…

Comment collaborez-vous tous deux au quotidien, dans vos tâches respectives et avec votre sensibilité propre ?

En mission, nous avons vraiment rebattu les cartes : en France, Albéric travaillait à 45 minutes de la maison et partait de 7 h à 19 h. Charlotte était en congé parental, donc à fond dans la vie de la famille et de la maison.

Aujourd’hui, nous travaillons tous les deux à temps « très très » plein et nous vivons sur notre lieu de travail. Albéric fait les trajets d’école et beaucoup de courses, nous prenons tous nos repas ensemble et nous collaborons dans notre travail. Notre vie sociale est beaucoup plus calme qu’en France et nous avons beaucoup plus de temps pour parler tous les deux – et échanger sur nos boulots, sur la vie au Cameroun, sur l’éducation des enfants…

La mission nous permet aussi de voir nos forces et nos limites et nous donne de nous appuyer plus l’un sur l’autre : plus de bonne copine à qui déverser ses soucis, pas de potes avec qui aller boire une bière… Loin de nos familles, de nos amis, de nos repères, nous sommes « obligés » d’être plus soudés. La mission, c’est décapant ! Il paraît même que 2 ans de mission font gagner 10 ans de mariage… Propos recueillis par Solange Pinilla

Article paru dans Zélie n°29 (Avril 2018)

Photo © Collection particulière


Février 2023 - La suite de l'histoire


« Quand nous avions répondu aux questions de Zélie en 2018, nous étions volontaires Fidesco au Cameroun avec nos 3 garçons, se souvient-Charlotte. Je travaillais comme journaliste et gestionnaire dans une radio diocésaine. Nous nous apprêtions à rentrer en France, avec un petit "passager clandestin" qui devait naître quelques mois après le retour et une perspective de reprise d'une PME pour Albéric à Saint-Malo...


5 ans plus tard... Nous habitons toujours près de Saint-Malo, nous avons une petite fille qui a apporté des paillettes dans notre vie (et celle de ses 3 frères !). En revanche, les projets professionnels initiaux de mon mari ont changé et après 3 années en tant qu'ingénieur chef de projet dans l'industrie avec beaucoup de déplacements, il change de boulot, ce qui devrait nous permettre d'avoir un rythme plus unifié (enfin, on l'espère). Nous sommes passés d'une vie de couple très proche (on travaillait ensemble au Cameroun) à des vies beaucoup plus éloignées. Au bout de 3 ans, un rapprochement s'impose !

Notre mission au Cameroun continue de m'habiter : j'espère avoir gardé un sens de l'hospitalité (après avoir été moi-même si bien accueillie en Afrique), une envie de rencontrer, une profonde gratitude pour tout ce que notre société occidentale nous offre comme sécurité (notamment sociale, financière...) mais aussi la conscience profonde d'être tous frères et que je ne peux pas vivre en ignorant les conséquences de mes choix sur les pays les plus pauvres... J'essaie humblement de vivre sobrement et de réfléchir à ma consommation d'un point de vue global.


Je vois aussi combien nos enfants sont ouverts et adaptables, c'est certainement en lien avec leurs deux années à jouer au foot avec une bouteille vide ou à aller en classe avec 45 petits camarades, tous camerounais !

Après avoir pris le temps d'atterrir, de relire cette mission vécue en Afrique et d'accompagner nos enfants dans leur redécouverte de la France, j'ai été accompagnée à Rennes en 2021 par une super coach : Antoinette Kufferath, du réseau Talents et Trajectoires. J'avais besoin de réfléchir à ma mission de vie, à ce qui me fait vibrer, au-delà de mes compétences et de mes expériences. Son accompagnement m'a permis de réaliser que ma place était dans l'accompagnement des personnes vers des relations libres et responsables.

J'avais été formée il y a 10 ans à l'éducation affective et sexuelle, et j'intervenais bénévolement pour une association auprès des jeunes. A la suite de ce bilan de compétences, j'ai décidé en 2021 de me former au Conseil conjugal et familial, pour éduquer encore mieux les jeunes à une vie affective unifiée et intégrale et accompagner les adultes dans leurs relations.


J'ai choisi de me former auprès d'une structure aconfessionnelle : Couples et familles, qui me permet de me confronter à d'autres valeurs et parcours. Cette formation m'enrichit, me décape et me décentre pour être capable d'accueillir l'autre de façon inconditionnelle... Quel programme ! Je termine en octobre prochain ma formation, avec la soutenance d'un mémoire, sans doute sur l'accompagnement des adultes ayant été victimes de violences sexuelles dans l'enfance.

Depuis 2 ans, j'ai créé l'association Atelier Kerlatio avec Ségolène Vaury, conseillère conjugale et thérapeute de couples Imago. Nous intervenons auprès des jeunes pour des séances d'éducation affective en milieu scolaire (école primaire, collèges, lycées) ou en dehors, nous proposons aussi des formations pour les adultes (conférences pour les parents, formations pour les professionnels).


En ce moment, nous animons un atelier M (5 ateliers pour jeunes filles pour "Mieux se comprendre pour Mieux (s')aiMer") dans un foyer de jeunes suivies par l'Aide Sociale à l'Enfance. Elles sont 7, entre 13 et 17 ans et elles ont tous été retirées de leur milieu familial pour les protéger. Avec elles et leurs éducatrices, nous partageons des belles discussions sur le rapport au corps, l'estime de soi, les relations saines et toxiques...


A chaque fois, je repars avec une "pépite" dite par l'une d'entre elles : "Si je mise tout sur mon corps, je vais être dans la séduction et je ne prendrai pas soin de mes émotions et de mon intelligence", "Je dois m'accepter comme je suis et les autres m'accepteront aussi". Après mes interventions auprès des jeunes, je suis toujours vidée physiquement mais "remplie" de la joie d'avoir pu susciter un échange, une réflexion, une clarification de leurs relations. Ils passent tellement de temps à étudier le français, les sciences... (et c'est bon !) mais si peu de temps à réfléchir sur leurs amitiés, leurs amours, leurs aspirations, leurs désirs !

Avec Ségolène, nous travaillons aussi à un lieu ressource autour de Saint Malo pour prendre soin des relations, des couples et des familles. Et nous avons une chronique sur une radio locale (petit clin d'œil à mon expérience radio).

Bref, je fourmille de projets ! et je me sens utile, à ma place ! je mesure combien c'est précieux... » Texte recueilli par S. P.


Charlotte et Albéric - Photo © Collection particulière



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