Christine, clown à l'hôpital
Depuis bientôt dix ans, Christine Mathéo visite les chambres des enfants hospitalisés. Pour les aider à « gai-rire », cette comédienne apporte grâce à son personnage de clown, Docteur Tap Tap, jeu, rire et imaginaire.
Une fausse tenue de chirurgien, des grelots accrochés aux chevilles et un stéthoscope autour du cou avec un entonnoir au bout : tel est le costume de Docteur Tap Tap, le double de Christine Mathéo (photo). Dans un livre émouvant, Docteur Tap Tap, clown à l’hôpital (Dunod), elle raconte le quotidien de ce métier méconnu.
Depuis 2008, Christine travaille pour l’association Théodora France, qui finance les visites d’artistes professionnels, nommés M. et Mme Rêves, et formés pour intervenir dans un environnement médical et lié au handicap. Christine se rend donc à l’hôpital pédiatrique Robert-Debré à Paris et à l’hôpital de Compiègne (Oise) pour soulager les enfants par le rire et l’évasion.
« Avant la visite, nous passons dans les services en civil pour recueillir auprès des personnels soignants notre feuille de transmission sur laquelle sont indiquées les informations essentielles à la qualité de notre action : prénom et âge de l’enfant, état physique et psychologique, mesures spécifiques d’hygiène à adopter, allergies éventuelles, contexte familial particulier... » raconte Christine. Puis c’est le passage au vestiaire : habillage, maquillage, bavardage avec les autres clowns le cas échéant. C’est parti pour la visite dans les étages, ou bien l’accompagnement juste avant ou juste après les opérations chirurgicales.
Si le clown dispose d’une palette d’outils – chant, jeu, danse, histoires, blagues... –, il laisse souvent place à l’improvisation. Attentif aux réactions et aux émotions des patients, il touche souvent juste. Parfois, il est surpris.
Un jour, Docteur Tap Tap se rend dans la chambre de Clément, un bébé qui vient de naître prématurément. Il réussit à faire rire les parents, un peu tristes, puis chante une chanson. Alors le papa entoure la maman de ses bras ; celle-ci se met à pleurer, puis sourit au Docteur Tap Tap, qui lui sourit aussi et caresse doucement son dos : « Vas-y maman laisse aller, t’as le droit de pleurer ! T’es toute fatiguée, c’est normal ! T’es sensible, fragile, c’est beau d’être fragile ! T’es belle maman ! »
Accompagnant les émotions des personnes – il a d’ailleurs avec lui des mouchoirs en papier coloré à distribuer –, le clown travaillant à l’hôpital est souvent lui-même ému. Il n’est pas toujours facile pour Christine de se fondre complètement derrière son personnage, comme ce fut le cas avec Saturnin, un bébé d’un an qui souffrait et gémissait et devant lequel elle s’est sentie démunie.
Parfois, de petits miracles arrivent. Martin, 3 ans, ne parle plus depuis qu’il est arrivé à l’hôpital. Docteur Tap Tap lui gonfle un ballon qu’il transforme en épée de chevalier, et lui propose de faire éclater des bulles formées avec du savon liquide. Martin bondit de son lit et dit : « Bulles, bulles, des bulles ! », pour la plus grande joie de sa maman.
Pour apporter la joie, Docteur Tap Tap est prêt à tout ! Temel lui demande de l’ausculter avec son faux stéthoscope. Le clown comprend qu’il a besoin d’entendre pour une fois de bonnes nouvelles, un diagnostic positif, et le lui donne : « Tes neurones sont en train de danser la macarena ! »
Sans toujours le savoir, le clown utilise des techniques qui soulagent la douleur : respiration, chant, visualisation, hypnose... « Soigner n’est pas seulement un acte technique, c’est aussi, et avant tout, un acte humain, affirme Christine Mathéo. Prendre le temps, écouter, observer, créer du lien, échanger, donner des paroles de réconfort, aller se promener dans l’imaginaire, jouer, rire ensemble, voilà de puissants médicaments ». Et une mission riche en humanité ! • Élise Tablé
Article paru dans Zélie n°30 (Mai 2018)
Crédit photos : © Cris Noé / © Pauline Aubry