Élisabeth Vigée-Lebrun, peintre de cour
Élisabeth Vigée est née le crayon à la main, dans le Paris de 1755. A six ans, la surprenant en train de dessiner un homme sur une feuille, son père, peintre lui-même, s’écria : « Tu seras peintre, mon enfant, ou jamais il n’en sera. » Sa vocation se confirma. Envoyée au couvent de ses six à onze ans pour y recevoir une solide éducation, elle passait la plupart de son temps libre à dessiner.
Orpheline de père dans l’adolescence, c’est d’autres maîtres qu’elle reçut des conseils importants. Si Greuze fut son soutien de l’âge adulte, c’est d’abord Joseph Vernet qui l’orienta, lui conseillant de se former au contact des maîtres italiens et flamands de jadis, et de peindre au maximum d’après nature. Forte de ces avis, elle visita les galeries de peintures publiques et privées de Paris et s’exerça à la reproduction.
Sa mère s’étant remariée, la famille s’installa rue Saint-Honoré, près du Palais-Royal, demeure des Orléans. Un jour, Élisabeth, adolescente, venait de peindre un tableau de sa mère très remarqué. L’artiste, reconnue à sa fenêtre par la duchesse de Chartres, fut appelée par celle-ci pour qu’elle réalisât son propre portrait.
Cette introduction ouvrit à Élisabeth les portes de grandes familles. Rencontrant la reine durant sa promenade à Marly, elle fut invitée par elle à peindre son portrait. Nous étions en 1779, la jeune femme, vivant déjà de son œuvre et travaillant du matin au soir, devenait le peintre officiel de la reine.
Hormis le duc d’Artois, elle eut l’occasion de réaliser le portrait de tous les membres de la famille royale. Mais c’est de la reine dont elle tira le plus de tableaux. En 1783, le portrait de celle-ci en robe légère suivant une mode venue de Saint-Domingue fit scandale au salon de Paris. Peu importait ! Cette année fut aussi celle de la réception d’Élisabeth à l’Académie royale de peinture avec le soutien de Joseph Vernet. Aimant à retrouver Marie-Antoinette pour les séances de pose, elle en conçut pour la reine et le roi une vive affection.
Réalisant aussi des portraits officiels pour d’autres personnalités, comme le ministre Calonne, elle fut, à partir de 1785, le centre des critiques. Liée au pouvoir, on lui reprocha son train de vie. On l’accusa d’être l’amante de Calonne. Mariée depuis 1776 avec le marchand d’art Lebrun, Élisabeth témoignait pourtant de l’affection qu’elle portait à son mari, le père de ses deux enfants.
Durant l’été 1789, son hôtel particulier fut ravagé par l’émeute. En octobre, après l’installation forcée de la famille royale à Paris, Élisabeth s’exila, son mari restant en France pour veiller sur leurs biens. Sa vie d’errance la mena dans toutes les cours d’Europe, et notamment à Saint-Pétersbourg, où elle réalisa les portraits des plus grands aristocrates russes.
Retirée des listes de proscriptions en 1802, elle rentra en France, avec une joie teintée d’amertume. Elle retrouvait sa patrie, mais nombre de ceux qu’elle avait aimés étaient morts et bien des lieux n’existaient plus.
Elle continua sa carrière de peintre, par exemple en portraiturant Caroline Murat. Heureuse du retour des Bourbons en 1815, elle publia ses souvenirs entre 1835 et 1837. Elle qui avait côtoyé les plus grands témoignait du passage d’un monde à l’autre. En 1842, à sa mort à 86 ans, son œuvre comptait plus de 660 portraits, mais aussi des paysages et quelques tableaux historiques. Tout son temps était passé sous son pinceau. • Gabriel Privat
Article publié dans Zélie n°31 (Juin 2018)
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