Laurence, d'avocate à médiatrice : « Écouter, c’est rejoindre l’autre là où il en est. »
Se former à l’écoute a été révélateur pour Laurence, et décisif pour sa vie professionnelle et personnelle.
« La première fois que j’ai été interpellée par la grande qualité d’écoute de quelqu’un, c’était par des amies d’un chantier-éducation des AFC (Associations familiales catholiques, ndlr), raconte Laurence, mariée et mère de quatre enfants. L’une d’elles m’a dit avoir suivi une formation à l’écoute. » Quelque temps après, Laurence apprend une terrible nouvelle : un de ses amis d’enfance vient de se suicider. « Nous avions dîné avec lui deux jours auparavant... et nous n’avions pas pu percevoir sa détresse. J’ai donc décidé de suivre une formation à l’écoute, pour être plus proche, plus à l’écoute des autres. »
Laurence la suit donc pendant deux jours avec le Cler Amour et famille, puis à nouveau deux jours un an après. « J’ai découvert qu’écouter, c’est rejoindre l’autre là où il en est, sans avoir de projet pour lui, d’autant qu’on ne sait pas tout de cette personne. C’est une façon d’aimer l’autre pour qu’il se sente rejoint, reconnu et aimé. » Depuis, certaines de ses amies ont dit à Laurence : « Toi, tu écoutes vraiment. »
La jeune femme se forme également à la communication non-violente (CNV) qui lui permet de reformuler le ressenti de ses enfants : « J’ai trouvé que cela était apaisant pour eux. »
Quelques années plus tard, Laurence, qui avait arrêté son activité professionnelle pendant dix ans pour se consacrer à plein temps à ses enfants, se pose la question de travailler à nouveau. Auparavant, elle avait commencé une carrière d’avocate : « A l’époque, le plus important pour moi était de gagner un dossier, d’utiliser la technique juridique, mais finalement sans prendre en compte suffisamment l’aspect humain et émotionnel. »
La jeune femme décide donc de devenir médiatrice ; ce métier a pour but est de restaurer le respect et le dialogue entre des personnes afin de les aider à trouver une solution à un différend. Après s’être formée au Cnam à Nantes, Laurence travaille comme médiatrice familiale et intervient après une séparation et un divorce, quand il y a un conflit juridique entre les ex-conjoints concernant la garde des enfants ou la pension alimentaire.
Dans la médiation, l’écoute est la première étape. « Il faut d’abord rejoindre chacun dans ses blessures, son ressenti, car il ne peut pas se sentir en confiance s’il ne se sent pas compris ; puis l’aider à comprendre la vision de l’autre. Parfois, ces personnes ne se sont pas parlé depuis des années, ou ne veulent même pas se dire bonjour. » Le fait de parler entre trois interlocuteurs permet la triangulation, le médiateur étant un passeur, un facilitateur.
Il faut ensuite amener ces personnes à trouver un terrain d’entente, une solution pour l’intérêt de l’enfant. Il ne s’agit donc pas de choisir à leur place. « C’est comme pour un bouton de rose, qu’on ne peut forcer à éclore, évoque Laurence. Il lui faut du temps pour s’ouvrir. » Finalement, certaines personnes lui disent que ces échanges les ont apaisées, et poursuivent parfois la médiation plus longtemps que cela n’était prévu.
« Le médiateur doit travailler sur sa neutralité, explique Laurence, afin d’éviter de cerner ou d’interpréter les propos. J’ai spontanément plus d’empathie pour la femme qui a été abandonnée enceinte, que pour le père de ses enfants qui réclame la garde... Je dois donc faire des hypothèses dans ma tête – par exemple « Il veut être un bon père... » – afin d’être davantage en empathie avec lui aussi.»
En fait, c’est aussi la foi qui a amenée Laurence à ce métier : « Tout homme est une histoire sacrée, et j’aspire à regarder chaque personne comme quelqu’un d’unique, comme Jésus regarde chacun de nous... » Ce n’est pas un hasard, si Dieu est relation entre les personnes de la Trinité... • Solange Pinilla
Article paru dans Zélie n°32 (Juillet-Août 2018)
Crédit photo (c) S. Pinilla