Madeleine Pauliac, une vie donnée
Le médecin-lieutenant Madeleine Pauliac, incorporée dans les armées le 30 novembre 1944, a continué, sous d’autres formes, l’engagement d’une vie bâtie dans la continuité de deux figures familiales.
Son père, industriel de Villeneuve-sur-Lot, mobilisé en 1914, et tué durant la bataille de Verdun en 1916, laisse le souvenir d’un officier patriote à ses deux filles, qui l’ont à peine connu. Sa grand-mère, qui assure la continuité de l’industrie de conserverie familiale, contribue grandement à l’éducation de ses petites-filles, les poussant, après le baccalauréat, vers les études supérieures, et subvenant à leurs besoins à Paris.
Madeleine, au commencement des années 1930, monte faire sa médecine à la capitale (ci-dessus, photo de 1931). Elle est alors un cas rare en France. En 1939, sa thèse soutenue, le docteur Pauliac travaille à l’hôpital des Enfants-Malades et se spécialise dans la trachéotomie. La guerre est pour elle l’occasion des premiers engagements. Elle intègre un réseau de résistance, soigne et recueille des parachutistes anglais, puis en août 1944 participe en tant que médecin aux combats de la libération de Paris.
La foi de l’enfance l’a quittée, mais elle sait ce que signifie donner sa vie. Lorsque le gouvernement provisoire l’envoie en mission en Pologne, au printemps 1945, alors que les combats ne sont pas terminés, elle n’hésite pas. Son fiancé, Gilles Saint-Vincent, est aux Etats-Unis, rien ne la retient à Paris. Elle part retrouver les prisonniers français blessés, libérés par les Russes, et organiser leur secours, puis leur rapatriement en France. Du côté soviétique du front, la terreur et l’arbitraire règnent en maîtres.
Après un long trajet en avion, elle atterrit à Moscou où l’ambassadeur, le général Catroux, lui précise la situation. Elle manquera de tout, la terre est désolée, le chaos politique est total. Après avoir chargé tout le matériel médical possible, elle file en train jusqu’à Varsovie, presque seule, y rejoignant l’ambassade de France, un des derniers bâtiments debout au milieu des ruines. L’hôpital français est installé à côté, et la mission commence.
Bientôt secondée par un groupe d’infirmières volontaires venues de France, surnommé « l’Escadron bleu », elle parcourt la Pologne, la Silésie et la Prusse orientale à la recherche des blessés français, qu’elle soigne et exfiltre, souvent dans de véritables enlèvements à la barbe des Russes, pour les renvoyer en France par une liaison aérienne établie pour la circonstance.
Le spectacle d’horreur des villes détruites, des rivières charriant les cadavres, des réfugiés sur les routes et des déportés attendant les secours dans les camps libérés, n’est encore qu’une partie de la situation. Les médecins de l’hôpital français, et notamment Madeleine, soignent chaque jour des dizaines de femmes allemandes ou polonaises violées par les Russes – elles furent des millions au total –, notamment les religieuses qui inspirèrent le film Les Innocentes d’Anne Fontaine, sorti en 2016.
La mission prend fin en décembre 1945 ; Madeleine rentre en France, mais ce n’est que pour mieux repartir en Pologne où elle compte fonder un orphelinat pour les bébés des religieuses violées, et ouvert à tous les enfants que la guerre a privés de parents. C’est là-bas, sur une route verglacée, qu’elle meurt dans un accident de voiture, en février 1946. Elle avait 34 ans. Son neveu, Philippe Maynial, lui a consacré une magnifique biographie : Madeleine Pauliac, l’insoumise. Gabriel Privat
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Crédit photo Virebeau/Wikimedia commons CC