Écouter ses besoins fondamentaux
Prendre en compte ses besoins psychiques – sécurité, estime de soi, appartenance, lien, sens… - permet de mieux s’épanouir. Avec pour conséquence : être davantage présent aux autres.
Toute personne a des besoins physiologiques vitaux, comme respirer, manger ou dormir. Mais tout aussi importants sont les besoins psychiques, qui permettent à la personne d’être reconnue, d’être aimée et d’aimer. Comme en témoigne Pierrot, sans-abri, dans le livre Humains dans la rue du réseau Entourage : « Un sourire, ça vaut 100 sandwiches ».
Différentes classifications des besoins existent. L’association Le Petit Prince a réalisé pour les enfants « La ronde des besoins », un diagramme qui permet de discuter de ceux-ci avec les enfants. Sept thèmes sont évoqués, dont voici certaines déclinaisons : sécurité (amour, tendresse, confiance en l’autre), appartenance à un groupe (partage, amitié, honnêteté), respect (repères, écoute, justice), paix (calme, beauté, spiritualité), sens (contribution, découverte, clarté), autonomie (confiance en soi, réalisation de projets, liberté) et enfin expression (créativité, fête, mouvement).
Ce qui est vrai pour les enfants vaut aussi pour les adultes. Dans son intéressant livre Trouver ma juste place. Dans le quotidien de sept femmes inspirantes, la psychologue clinicienne Valérie de Minvielle affirme que les besoins fondamentaux sont à chacun ce que le carburant est à une voiture.
La psychologue accompagne de nombreuses femmes dont la maternité a bouleversé les priorités, et dont l’écoute des besoins de leurs enfants a parfois remplacé celle de leurs propres besoins fondamentaux. « Nombre de celles qui ne nourrissent pas leurs besoins fondamentaux se retrouvent chez le médecin, atteintes d’un épuisement général grave appelé « burn-out maternel » », affirme Valérie de Minvielle (lire aussi « Prévenir le burn-out maternel », Zélie n°9).
Même lorsque l’on n’est pas mère, il est important d’identifier ces besoins psychiques. On peut parfois se laisser déborder par ses engagements, ne pas se sentir respectée par son travail, ou tout simplement ne jamais avoir identifié quels sont ces besoins.
Valérie de Minvielle évoque une image humoristique où l’on voit une femme en tailleur, assise devant un ordinateur, qui se prépare un thé ; la légende indique « femme grippée ». En-dessous, un homme est sur un lit d’hôpital, intubé, avec la légende « homme grippé ». Si l’image vise à se moquer d’une différence qu’auraient les femmes et les hommes concernant la résistance à la douleur, la psychologue y voit aussi la difficulté qu’ont les femmes à reconnaître leur besoin et à le dire.
« Si je me sens grippée mais que je vais quand même travailler, j’envoie au monde extérieur le message que ce n’est pas si grave, puisque ça ne m’empêche pas de travailler », explique la psychologue. Elle ajoute : « Si j’ignore ce besoin, je vais attendre de mon entourage qu’il s’en occupe à ma place. Mais en admettant que mon entourage soit prêt à me chouchouter, ce qui n’est déjà pas sûr, comment saura-t-il ce dont j’ai besoin si je ne me montre ni ne dis comment je me sens ? ».
On peut ajouter que certaines femmes, qui souffrent que ni leur mari ni leurs enfants ne reconnaissent les tâches domestiques qu’elles réalisent, peuvent s’interroger : ont-elles partagé ce sentiment à leur entourage ? Acceptent-elles que chacun participe à sa manière, à commencer par le conjoint avec lequel partager équitablement les tâches ? Précisons qu’il va de soi qu’une femme n’est pas censée prendre en charge les besoins de son mari - par exemple, acheter ses vêtements - au même titre que ceux de ses enfants.
Ensuite, ces femmes peuvent s’interroger sur le regard qu’elles attribuent aux tâches réalisées : considèrent-elles ces actions avec admiration et se félicitent-elles ? Puis se poser cette question : se respectent-elles, avant de se sentir peu respectées ? Sont-elles amenées de chercher à l’extérieur une reconnaissance - légitime - et une estime de soi qu’elles ne nourrissent pas suffisamment à l’intérieur ? Enfin, elles peuvent se demander si leur besoin d’accomplissement est suffisamment nourri par ces tâches quotidiennes et par leur travail, et si elles devraient chercher des projets plus accomplissants et stimulants par ailleurs.
Un exemple concernant une mère montre de manière explicite comment « remplir son réservoir de carburant ». Valérie de Minvielle cite dans son livre le cas de Julie, mère d’enfants âgés de 6, 4 et 2 ans, qui la consulte : elle trouve les fins d’après-midi éprouvantes et les soirs se terminent dans les cris, alors qu’elle est seule avec ses enfants. Accompagnée par la psychologue, Julie identifie ses trois besoins fondamentaux, parmi lesquels le besoin d’intériorité. La psychologue lui demande : « De quelle façon pourrais-tu respecter ce besoin de vie intérieure le soir avant de t’occuper de tes enfants ? ». Pour Julie, c’est le fait de prendre une douche chaude qui lui permet de se sentir plus détendue.
Elle décide donc d’annoncer à son mari, puis surtout à ses enfants, qu’elle a besoin de prendre une douche pour être plus disponible pour ceux-ci : « Pendant ma douche, j’ai besoin d’être seule avec moi-même. Pour que ce temps soit calme, Jeanne tu vas t’installer pour dessiner, Thibaut tu vas dans ton coin Lego, et Paul je te mettrai dans ton parc le temps de ma douche. Ensuite nous jouerons ensemble et puis je préparerai le dîner. » Ayant mis en place cette pratique, qui n’a pas posé de problème particulier, Julie observe que la soirée se passe vraiment mieux et qu’elle ne crie presque plus avec ses enfants.
Pour chercher ses besoins les plus fondamentaux, on peut regarder dans une liste – celle évoquée en début d’article, ou celle du livre de Valérie de Minvielle par exemple – les besoins qu’on nommerait, si on ne devait en garder que trois. Par exemple, cela peut être ordre, créativité et partage. Ensuite, on peut noter chacun sur une échelle de 1 à 10 ; puis voir à quoi cela tient si ce besoin est bien rempli ; s’il est peu rempli, comment le remplir davantage.
On peut noter qu’il sera plus facile, le cas échéant, de faire part de ses besoins à son entourage. « J’ai un fort besoin d’intériorité », sera plus audible que « Laissez-moi tranquille ! »...
La comparaison du masque d’oxygène dans l’avion est parlante : si on ne met pas d’abord le sien, on ne pourra pas prendre soin des autres. Solange Pinilla
Lire le reste de Zélie n°51 - Avril 2020
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