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Anne-France, la montagne en contemplation

  • Zélie
  • 16 août 2023
  • 3 min de lecture


Cet article est extrait de Zélie n°86 - Eté 2023, à télécharger gratuitement.



Elle habite au Reposoir, un pittoresque village de Haute-Savoie situé à 1000 mètres d’altitude, dont elle fait visiter la Chartreuse presque millénaire. Anne-France Binder nous fait entrer dans le monde des vallées montagnardes.



Lorsque le bienheureux Jean d’Espagne est arrivé dans ce magnifique vallon du Faucigny, il aurait dit : « Ici est mon Reposoir ». Il y a fondé une Chartreuse, en ce XIIe siècle. Aujourd’hui, la commune s’appelle Le Reposoir, et ce sont des carmélites qui, depuis un siècle, ont pris le relais des chartreux.


Anne-France Binder, professeur d’histoire-géographie, est également Guide du Patrimoine Savoie-Mont-Blanc depuis de nombreuses années. Elle fait visiter l’ancienne Chartreuse, avec son cloître du XVe siècle ouvert lors des Journées du Patrimoine, ainsi que d’autres sites culturels de cette commune : l’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, la chapelle du bienheureux Jean d’Espagne et les vestiges de la Porte d’âge - une ancienne ferme fortifiée construite par les chartreux.


« J’aime transmettre ce patrimoine et la beauté des lieux aux visiteurs, explique Anne-France. Qu’ils soient croyants ou non, j’espère qu’ils s’approprient cet héritage et qu’ils repartent comblés. Il y a quelques semaines, j’ai fait visiter la Chartreuse à des écoliers de Haute-Savoie. Je leur ai proposé d’écouter le silence de la montagne. Ils m’ont dit qu’ils avaient entendu les cloches des vaches, les insectes, les oiseaux et le vent, et que ce silence leur procurait un bien-être. »


Habiter en montagne donne une sensibilité particulière, selon elle. « Cela rend contemplatif : on admire le lever et le coucher du soleil. D’un côté, c’est rude. On doit par exemple s’équiper en hiver pour circuler ; le col de la Colombière qui nous sépare de la vallée du Grand-Bornand est fermé à cause de la neige, jusque fin mai. En été, le soleil ne reste pas tard comme en plaine, il passe vite derrière les montagnes... »


D’un autre côté, la montagne fascine et réunit. « Les jeunes peuvent monter dormir à la belle étoile à 2000 mètres d’altitude, pour s’émerveiller le lendemain du lever du soleil, donnant sur un magnifique panorama allant du Mont-Blanc au Léman. »


Pour Anne-France, la montagne apprend aussi la prudence et « une certaine sagesse face à des sommets qui nous dépassent ».


« La montagne donne envie de s’élever pour voir plus haut et plus loin, ajoute-t-elle. Elle conduit les croyants à Dieu, et porte à la louange face à la beauté de la création : "Mon Dieu, Tu es grand, Tu es beau !" Elle est propice à la vie intérieure. »


« La montagne nous saisit, comme ces ados émerveillés de participer à une messe en hiver sur un autel bâti en neige, s’enthousiasme la guide. La grandeur du paysage touche la sensibilité de chacun, quel qu’il soit. Car on ne peut être dans l’artifice, en montagne. On est à nu. Les habitants du village du Reposoir sont façonnés par la montagne. Nathan Paulin, mon petit-cousin, est devenu funambule professionnel. Il se déplace sur des slacklines en hauteur - notamment entre des sommets ou des monuments - et a battu des records. Son frère Clovis est guide de haute montagne et a réalisé en février, avec deux autres alpinistes, une première ascension hivernale dans la face nord des Grandes Jorasses. Pour moi, il y a certainement une part de sacré en chaque être humain, elle se révèle en particulier au contact de ces lieux imposants. »


Anne-France nous confie qu’une de ses filles lui faisait dernièrement cette réflexion, en évoquant les vers à soie : « Pris par nos activités, on oublie parfois d’observer de près la nature, source de joie et d’émerveillement ». Notre invitée ajoute : « En montagne, on est heureux avec des choses simples : se promener au calme et dans la fraîcheur, constituer un herbier avec des fleurs séchées, ramasser de l’hysope pour faire des tisanes contre la toux, observer les insectes, contempler les bouquetins ou les chamois... La nature est source de bienfaits et d’équilibre. »


Dans le collège où elle est professeur, Anne-France enseigne dans une classe de 6è « Montagne ». Les élèves passent une nuit en refuge, font de l’escalade, du VTT...


Pour autant, l’habituée de montagne qu’est Anne-France aime aussi sortir de cet univers : « J’habite un vallon ; cela invite à regarder vers le haut. La montagne peut être perçue comme une protection, une sécurité pour certains ; d’autres peuvent se sentir oppressés. Personnellement, j’aime aussi contempler l’horizon, comme dans les champs de lavande de la Drôme ou au bord de la mer... Cependant, l’esprit de la montagne reste ancré en nous, avec le goût de l’effort. On se dit : "On va marcher où cette fois-ci ?" Comme un appel... » Solange Pinilla


Photo © Coll. particulière


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