Avec la gendarmerie en montagne
Cet article est extrait de Zélie n°86 - Eté 2023, à télécharger gratuitement.
Les montagnes, avec leurs reliefs escarpés et leurs vastes espaces, peuvent être un lieu de danger. Les secours en montagne le savent bien, comme le raconte Rémy Nollet, qui a notamment commandé la compagnie de gendarmerie de Meylan, en Isère.
Nous sommes le 1er mai 2013. Depuis le lever du soleil, le groupe montagne de la compagnie de gendarmerie de Meylan, dans les Alpes, est partie secourir un homme signalé disparu depuis la veille au soir. Elle est mobilisée aux côtés du PGHM, le peloton de gendarmerie de la haute montagne, spécialisé dans le secours en montagne et les enquêtes en milieu montagneux ou périlleux.
Les équipes reconnaissent le chemin de randonnée où cet homme relativement âgé est parti, autour du col de la Placette, à l’ouest du massif de la Chartreuse. Un orage avait rendu presque impossible les recherches au moment de l’alerte. Heureusement, le randonneur est retrouvé vivant, après avoir passé la nuit en bordure du chemin. « Il semblait désorienté, comme s’il avait été touché par un éclair à proximité. Mais il était en vie et avait été pris en charge par les secours, c’était l’essentiel », raconte Rémy Nollet.
Ce colonel de gendarmerie narre cette histoire dans Face à la mort. Le témoignage inédit d’un gendarme, paru aux éditions du Rocher. Ayant commandé la compagnie de Meylan pendant quatre années, il avait en charge une partie de l’agglomération grenobloise et un vaste territoire de montagne. Parmi les récits de cet ouvrage très poignant, où il évoque le rôle des gendarmes face à des personnes disparues ou des morts violentes, figurent donc des moments où la montagne a été le théâtre de situations dramatiques.
C’est le cas de l’histoire de Loïc, un jeune homme autiste résidant dans un centre pour personnes autistes adossé à une ferme dans la montagne, sur le plateau des Petites-Roches. Dans ce centre isolé, les résidents ont une certaine autonomie, participent aux travaux de la ferme et ont une activité de tables d’hôtes.
Le disparu est parti en fin d’après-midi traire les vaches, dans le champ situé de l’autre côté de la route. Cependant, au dîner, on remarque que personne ne l’a vu à la traite. C’est ainsi que les gendarmes sont appelés à la nuit tombée. Un chien de l’équipe cynophile de la gendarmerie donne une piste qui part bien vers le champ de vaches, mais s’arrête à proximité de barres rocheuses.
Pendant trois jours, les gendarmes, à pied ou en hélicoptère, aidés des pompiers, du personnel du centre, mais aussi d’habitants de la commune, cherchent Loïc dans les environs sur le plateau, dans la forêt, ou encore dans des endroits dangereux.
Hélas, au bout de trois jours, l’espoir de le retrouver vivant étant extrêmement faible en raison des risques de déshydratation et d’hypothermie, les recherches sont arrêtées. « Si je pus prendre cette décision sereinement, c’est sans doute parce qu’au fond de moi je savais que nous avions fait tout notre possible pour sauver Loïc, raconte Rémy Nollet. J’étais désormais persuadé qu’il avait dû faire une chute fatale dans les barres rocheuses. » Il s’agissait du secteur le plus dangereux et le plus difficile d’accès, et il aurait fallu mobiliser de nombreux montagnards et prendre des risques très importants pour tenter de le retrouver.
Quelques semaines plus tard, le corps de Loïc est retrouvé dans une zone très difficile d’accès en contrebas des barres rocheuses. Ce sont des chiens de chasseurs qui ont senti l’odeur de la décomposition. Loïc avait dû mourir sur le coup de sa chute.
« Par la suite, j’ai eu souvent l’occasion de reparler avec mes équipes de cette recherche qui nous avait unis dans l’effort, raconte Rémy. Avec les spécialistes des équipes cynophiles et du secours en montagne, des liens étaient nés. Mais c’était aussi le cas avec les proches de Loïc, ce qui n’arrive pas souvent. »
Les droits d’auteur du livre Face à la mort sont reversés à l’association Sébio Solidarité Secours en montagne, une association créée en mémoire de l’adjudant-chef Sébastien Thomas, affecté au Centre national d’instruction de ski et d’alpinisme de la gendarmerie à Chamonix, et mort en montagne en mission en 2013.
Cette association soutient les familles de gendarmes de montagne en cas de coup dur, et accueillent des orphelins de la gendarmerie en séjour neige, ou des blessés en service pour participer à la reconstruction par le sport. Comme souvent, la montagne peut apporter le pire et le meilleur. Solange Pinilla
Photo Pixabay (photo d'illustration)
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