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Delphine, juge des enfants : « Là où il y a le désespoir, mettre de l’espérance »


Dans son bureau, Delphine a affiché les dessins de certains enfants qu’elle suit. (© Coll. particulière)



Delphine est juge des enfants. Elle nous raconte la manière dont elle essaie d’être juste, à l’écoute des familles, et dans l’intérêt de l’enfant.



Zélie : Quelles sont vos missions en tant que juge des enfants ?


Delphine : En tant que juge des enfants, mon travail a une double mission. Je suis chargée de protéger les mineurs en danger, mais aussi de juger les mineurs délinquants.


Dans le cadre de la protection de l’enfance, le juge des enfants peut prendre des mesures d’aide et d’accompagnement des familles, grâce à l’intervention de travailleurs sociaux. Dans une situation de grave danger compromettant la santé et la sécurité de l’enfant - violences physiques, sexuelles, graves négligences -, le juge des enfants peut aller jusqu’à ordonner le placement de l’enfant à l’aide sociale de l’enfance afin d’assurer sa protection.


Chaque jour, en audience dans mon cabinet, je dois faire face à des situations de grande souffrance et accueillir les fragilités humaines. Ces situations sont toujours injustes et révoltantes, en ce qu’elles touchent les enfants. La foi qui m’anime m’aide dans ces moments-là, car elle me rappelle que là où il y a le désespoir, il faut mettre de l’espérance et là où sont les ténèbres, il faut mettre de la lumière.


Faire face à la souffrance, c’est aussi pouvoir entrevoir la résilience et la force de ces enfants qui arrivent à se relever et à grandir, malgré les difficultés qui les entourent.


Une expérience qui m’a particulièrement touchée est la situation de jumeaux, nés prématurément à 26 semaines d’aménorrhée, dans un contexte de troubles psychiatriques des parents et de prise de toxiques par ces derniers. Après la naissance, les parents ne se présentaient plus à la maternité, alors que les nouveau-nés étaient en soins intensifs et luttaient pour leur survie.


Grâce à mon action, j’ai permis à une association nommée « La Chaîne de l’espoir » de pouvoir se rendre tous les jours auprès des enfants, afin de pouvoir leur parler et d’incarner auprès d’eux une figure d’attachement. Aujourd’hui, ces deux enfants sont encore en vie, et je garde en mémoire la grande force de ces deux enfants nés prématurément, qui se sont battus et se sont accrochés à la vie malgré la désertion de leurs parents.


Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans ce métier ?


C’est le fait de pouvoir faire un métier qui a du sens et a un intérêt social : se sentir utile en étant au service d’une cause juste qu’est la protection de l’enfance.


Les conditions d’exercice de ce travail sont difficiles, au regard du manque de moyens alloués à la protection de l’enfance, et au vu de la gravité des problématiques familiales et sociétales auxquelles nous devons faire face.


Dans l’exercice de mes fonctions, je marche bien souvent dans un désert, mais j’aime pouvoir me rappeler que si les décisions que je prends sont utiles à un enfant et à sa famille, mon travail n’est pas vain.


Comment être le plus juste possible, selon vous ?


Être juge, c’est faire preuve de justice et de justesse. En tant que juges, nous devons répondre à l’injustice par la justice. Comment faire alors pour rendre justice ? Écouter les familles, tout en restant humble face aux situations qui nous entourent ; se décider en s’efforçant de prendre la meilleure décision dans l’intérêt des enfants, tout en restant pédagogues afin que les familles puissent comprendre les motifs de notre décision.


En faisant prendre conscience aux familles de leurs difficultés, celles-ci peuvent, tout en étant accompagnées, mettre en place alors les évolutions nécessaires pour offrir des conditions de vie et d’éducation plus adaptées à leurs enfants. Ainsi, nous aidons les parents à élever des enfants qui n’auront pas à se remettre de leur enfance. Propos recueillis par Solange Pinilla


Cet article est extrait de Zélie n°87 - Septembre 2023, à télécharger gratuitement.


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