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Elizabeth Sombart, pianiste : « La musique fait entrer dans une relation verticale »



Quand Elizabeth Sombart était enfant, son endroit préféré était sous le piano, où jouaient sa mère et d’autres personnes. « Moi qui avais beaucoup de mal à m’incarner dans le monde physique, je sentais que le monde du son était aussi le réel. C’était une consolation du ciel, qui me disait que l’on n’appartient pas au monde que l’on voit. »


A l’âge de 7 ans, elle commence le piano au Conservatoire de Strasbourg, où habite cette petite fille aux origines multiples : sa mère est une pianiste géorgienne-écossaise et son père un écrivain allemand-roumain. A 16 ans, elle quitte la France et se forme auprès de grands pianistes tels que Peter Feuchtwanger : « J’ai travaillé avec des professeurs qui détenaient cette parcelle de lumière et de vérité, qui ont su décrypter et faire leur ce langage musical ».


Elizabeth Sombart mène une carrière internationale et enregistre de nombreux disques. Elle ne préfère pas un compositeur aux autres : « On aime le plus celui qu’on est en train de jouer. Dernièrement, j’ai enregistré des concertos de Beethoven. Avant, j’ai joué Bach, Mozart, Franck, Chopin... Je les aime tous ! »


En 1988, la concertiste a créé la fondation Résonnance, dont le siège se situe près de Lausanne en Suisse. Sa mission est d’offrir la musique dans des lieux où elle n’est pas : hôpitaux, Ehpad, institutions pour personnes handicapées, prisons, et même camps palestiniens.


Cette intuition remonte à loin : « Quand j’avais 11 ans, j’avais gagné un concours de musique à Paris. Mais je n’étais pas heureuse, car les autres enfants pleuraient. Au nom de la musique, on crée des concurrences... Un jour - j’avais 18 ans -, une dame est venue me voir après un concert, me disant qu’elle ne pourrait plus venir m’écouter, car elle allait partir en maison de retraite ; je lui ai répondu : "Je viendrai jouer là où vous êtes.­" C’est ainsi que la fondation est née. » Celle-ci est aujourd’hui présente dans sept pays, où jouent des pianistes formés à la fondation.


A cause de la crise sanitaire de la Covid, le quotidien d’Elizabeth a changé. « Lors de la première vague de printemps, je suis allée au funérarium jouer pour les morts deux à trois heures par jour. Mourir dans la solitude est une des pires morts violentes, et je pense que cette musique leur faisait du bien. En ce moment, à la fondation, nous faisons un mini-festival tous les samedis : les gens viennent écouter de la musique, cinq personnes à la fois. Ils sont en manque, et être dans un endroit où il y a un piano et des fleurs est devenu vital pour certains. » Les concerts d’Elizabeth à Paris et à Londres ont été annulés, mais elle a pu jouer Beethoven à Barcelone le 22 février, avec une jauge de 50 % en raison des contraintes sanitaires.


La beauté, dont la pianiste a notamment parlé dans un livre paru il y a vingt-quatre ans, La musique au cœur de l’émerveillement (JC Lattès), est, selon elle, « ce que chacun reconnaît en l’autre et qui lui fait comprendre qu’il y a en nous quelque chose de plus grand que nous ». Refusant une vision de la musique classique réservée à des personnes riches et cultivées, elle la considère comme parlant au cœur de chacun. La pianiste a également étudié la phénoménologie de la musique : « Il y a beaucoup d’analogies entre l’être humain et le son : ainsi, l’homme est né du silence et y retourne, comme le son ; le son est riche de ses harmoniques, il est un et multiple, comme nous. »


Elizabeth voit de nombreux liens entre son métier et sa foi chrétienne. « Les vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté ne sont pas imposés de l’extérieur, mais la conséquence d’une expérience intérieure, d’une rencontre avec le Christ. De même, pouvoir entrer dans ce que la musique nous offre suppose d’obéir au son, de s’appauvrir de tous les "moi" et de vivre la chasteté, c’est-à-dire l’unité du corps et de l’âme. On entre dans une relation verticale, qui est l’expérience que Quelqu’un joue en nous et avec nous. »


La musique peut alors être le lieu de la rencontre avec la « Présence », comme le montre cette anecdote. « Je jouais dans un lieu de soins palliatifs à Paris. à la fin du dernier accord, une personne est morte, j’ai entendu son bip s'allumer à ce moment-là. La peau noire de cette femme est devenue dorée, et une larme a coulé sur son visage. La musique n’est pas le paradis, mais peut-être le bruit que fait la porte du paradis quand elle s’ouvre. » Solange Pinilla




Crédit photo (c) Fondation Résonnance

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