Gérer les conflits dans un groupe
Qu’ils soient latents ou éclatants, les conflits sont chose courante dans une entreprise, une association ou tout autre groupe. Henriette Destremau, coach professionnelle et formatrice à Rennes (photo), propose un accompagnement pour les vivre plus sereinement et les résoudre. Entretien.
Zélie : D’abord, comment prévenir les conflits entre des personnes qui travaillent ensemble ?
Henriette Destremau : Au départ, la communication, l’écoute active et le dialogue sont vraiment des clefs. Mieux vaut être attentif aux signaux pour désamorcer des tensions latentes. On peut prévoir des moments réguliers d’échanges authentiques où l’on parlera notamment des freins, des déceptions...
Dans un couple, ce sera comme le « devoir de s’asseoir » proposé par les équipes Notre-Dame. En entreprise, on peut organiser un déjeuner avec ses collaborateurs, où l’on demande : « Comment te sens-tu ? Est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a frustré récemment ? As-tu des insatisfactions ? ». En paroisse, au début d’une réunion, on demandera : « Comment vous sentez-vous ? Est-ce que les choses sont claires dans la définition de vos fonctions ? Est-ce que quelqu’un se sent débordé, ou inutile ? »
Dans les grandes lignes, comment résoudre un conflit ?
En fait, un conflit démarre sur un désaccord, qui devient un blocage entre des personnes. Quand le blocage est repéré, il faut mettre les choses à plat : chacun peut dire comment il voit la situation, quelles émotions il ressent, et les besoins qui y sont rattachés. Puis écouter les perceptions de l’autre et reformuler le point de vue de celui-ci.
Ensuite, un temps de réflexion intérieure est nécessaire, avant de chercher la solution ensemble. Il y a un travail de compromis à faire pour que l’un et l’autre soient satisfaits, ou trouvent une troisième solution qui convienne à tous les deux. Ce compromis est rendu possible parce qu’on a écouté les émotions de l’autre et de soi ; on est donc davantage à même de faire évoluer sa position.
Par exemple, si une personne a un besoin de musique et l’autre personne un besoin de silence, la première peut mettre des écouteurs. Si l’une est attachée aux normes et l’autre a besoin d’action et de risque, il faut être capable d’entendre que cette dernière puisse prendre un risque. Ce sont seulement des manières de faire différentes ; chacun apporte la richesse de sa valeur, richesses à voir comme complémentaires plutôt qu’opposées. Encore faut-il arriver à dire ce qui est important pour soi.
Comment amener des personnes qui fuient le conflit à oser s’exprimer ?
Nombreux sont ceux, chaleureux et empathiques, qui fuient le conflit pour sauver l’ambiance. Ils auront tendance à en parler, oui, à en parler à leur entourage... mais pas à celui qui est concerné directement. Cela contribuera à créer des rumeurs et finalement à éloigner de la vérité ; ce n’est pas sain. A l’origine de la stratégie d’évitement, se trouve souvent une motivation assez faible à coopérer, voire la croyance d’une position inférieure ou défaitiste sur le résultat. Alors qu’on a besoin de dire ce qui ne nous convient pas.
Dans le refus du conflit de la part de certains, se trouve donc profondément ancré le désir d’être vu comme sympa, serviable, et cette posture permet de recevoir une forme de reconnaissance. Si cette personne dit ce qui ne lui convient pas, elle prend le risque d’être moins appréciée, moins aimée. Donc pour aider cette personne, il faut qu’elle voie le conflit comme une super opportunité : en effet, les petites mises au point au quotidien permettent d’éviter un conflit majeur. De la même manière qu’à Taïwan il y a 400 petites secousses par an, mais pas de tremblement de terre !
Par exemple, elle peut dire à son collègue : « Nous avions rendez-vous avec ce client et tu n’as pas fini le dossier, j’ai besoin d’anticipation et je te demande la prochaine fois, de me prévenir si tu sens que le délai va être court. » Sinon, après avoir accumulé les tensions intérieures, elle éclatera un jour : « C’est impossible de travailler avec toi ! ».
Pouvez-vous nous raconter l’exemple d’un conflit résolu par une personne que vous avez accompagnée ?
Je pense au jeune manager d’une agence florissante, très engagé et ambitieux, mais sous stress et très rigide. Il poussait ses collaborateurs à leur maximum. Ceux-ci ne disaient rien, et démissionnaient les uns après les autres. Ils fuyaient le conflit.
En travaillant lors d’un coaching, il a pris conscience de sa posture impressionnante et humiliante. Lui travaillait jusqu’à plusieurs nuits par semaine ! Cela mettait la barre trop haut. Il a pris conscience qu’il ne pouvait imposer aux autres son niveau d’implication dans le travail – travail qui était une valeur très forte pour lui – en étouffant les autres.
Après le coaching, il avait quitté la posture du Parent Normatif – comme on l’appelle en Analyse Transactionnelle – qui impose l’objectif et la façon d’y parvenir. Il avait adopté celle de l’Adulte, qui laisse les autres prendre leur place à leur manière, être eux-mêmes et lancer des initiatives.
Pour l’aider à comprendre cela, un jour, lors d’un rendez-vous de coaching, je lui ai dit : « Ouvrez votre ordinateur, vous allez prendre des notes ». Il a été surpris et manifestement mal à l’aise. Je lui ai expliqué que c’était la même chose avec ses collaborateurs. Et il a conclu lui-même qu’au lieu d’imposer, il valait mieux qu’il parte des faits et pose une question ou propose une option : « On va travailler sur des choses importantes, si vous le souhaitez, vous pouvez prendre des notes ». Bref, ce changement pour une posture plus équilibrée a résolu le conflit larvé qui existait avec ses collègues.
Y a-t-il des conflits que l’on ne peut pas résoudre ?
Quand le conflit vient d’un désaccord sur des valeurs ou des procédures, il est plus facile à résoudre que lorsqu’il s’agit d’une lutte de pouvoir pour avoir raison, avec dévalorisation et manipulation. Autrement dit, quand le conflit a une origine factuelle, il est plus aisé à dénouer que lorsqu’il vient d’un problème relationnel. De manière générale, il n’est pas possible de résoudre un conflit si les personnes ne sont pas prêtes à s’ouvrir et à changer de posture.
Je coache une femme dont le supérieur hiérarchique est méprisant. Elle pleure régulièrement. Ce qu’elle va pouvoir dire, c’est : « Cela, c’est ma limite. Soit vous l’entendez, soit je pars ». Le départ est souvent nécessaire quand les personnes ne peuvent pas se mettre au même niveau, ne peuvent pas entendre le besoin de l’autre.
A l’inverse, la plupart des conflits sont résolvables quand il y a une vraie disponibilité du cœur à le résoudre, à faire un pas vers l’autre. L’erreur serait d’attendre. Propos recueillis par Solange Pinilla
Contact > henriette.destremau@me.com
Henriette Destremau co-anime le réseau Charisma « 100 % féminin, 100 % bien commun » - charisma-coaching.fr
Photo © Yann de la Motte
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