Hélène Boucher, pionnière de l'aviation
Hélène Boucher a mené sa vie en un éclair, avec une densité peu commune. Née le 23 mai 1908, au 280 boulevard Raspail à Paris, dans une famille bourgeoise et catholique, elle est la fille de l'architecte Léon Boucher et de son épouse Elisa. Un jeune frère, Noël, vint combler la famille peu d'années après. Hélène grandit dans ce quartier du Montparnasse où se mêlent artisans, ouvriers, bourgeois et artistes, à quelques pas encore d'une banlieue moins dense qu'aujourd'hui, et d'où l'on gagne vite la campagne.
Elève studieuse, elle apprend vite et veut surtout se débrouiller seule. La sortie de l'enfance est marquée par la Première guerre mondiale, les raids de bombardiers allemands et les tirs de la grosse Bertha, qui marquent d'effroi le quotidien des Parisiens. Après la chute de plusieurs obus non loin de chez les Boucher, Léon décide du départ de la famille pour Boigneville, près de Maintenon en Eure-et-Loir. Avec la paix, c'est le retour à Paris en 1918, marqué par la grippe espagnole.
Les années passent et Hélène Boucher cherche une voie singulière. Elle se tourne d'abord vers le piano, encouragée par sa mère. Ses aptitudes sont notables, mais l'immensité du travail à fournir pour devenir une virtuose la décourage. Un autre parcours apparaît, avec le dessin, encouragé cette fois par Léon Boucher. Hélène n'est pas satisfaite de son travail, qu'elle voudrait parfait, et renonce.
En attendant de trouver sa voie, la jeune femme vit avec passion, s'essaie à l'automobile, tient une place centrale dans son groupe d'amis dynamiques du quartier de Montparnasse, et travaille un temps comme modiste dans la boutique d'une amie fortunée et talentueuse.
Parmi ses amis, plusieurs sont des aviateurs, anciens pour certains de la Grande guerre. La mort de l'un d'entre eux, Jean Hubert, dans l'accident de son avion, la fait basculer. Hélène, horrifiée et révoltée, se sent attirée par cette aviation terrible qui lui a pris un ami cher. En juin 1930, rencontrant non loin de Montparnasse, un de ses amis, le pilote Roger de Grésigny, elle s’attable avec lui. Il lui parle de l'aviation, à sa demande, et de fil en aiguille, la décision est prise. Demain, Hélène ira avec Roger sur le terrain d'entraînement d'Orly, non pas pour voir voler des avions, mais pour monter elle-même à bord.
Le premier vol déclenche son attraction. Hélène Boucher, d'habitude si enthousiaste, sort de l'appareil muette, le visage fermé et ne dit presque pas un mot, avant de déclarer à son ami, sur le chemin du retour, qu'elle sera pilote.
La famille d'Hélène refuse cette idée. L'argent manque pour lui offrir son brevet de pilote et un appareil. Elle-même ne dispose pas d'assez de fonds, enfin les risques sont grands et les morts se comptent par dizaines en ces débuts de l'aéropostale.
La jeune femme ne faiblit pas pourtant. Elle se rend régulièrement à Orly, observe tout, pose des questions, comprend vite et se fait adopter par le personnel, même si elle ne peut pas encore piloter.
La chance lui sourit. Son enthousiasme et sa constance la font repérer par Henri Farbos, industriel de Mont-de-Marsan, fondateur de l'Aéro-club des Landes et qui souhaite faire connaître son institution.
Pour cela, il décide de financer en partie le brevet de la première femme qui s'inscrira au club. Hélène Boucher accepte. Ses parents sont convaincus par Henri Farbos et son épouse, et la voici partie pour Mont-de-Marsan en 1931. Enfin, elle vole ! Les entraînements réguliers lui permettent de développer rapidement une technique sûre.
Commence une carrière de pilote, qui la place dans l'orbite des femmes reconnues de la profession comme Adrienne Bolland, Maryse Bastié ou Maryse Hilsz. Son brevet en poche, il lui manque cependant l'avion. Rentrée à Paris, elle vole un peu, sur des appareils prêtés, mais trop peu.
En janvier 1932, elle parvient à acheter, grâce à la générosité de sa famille et de ses amis, un avion Moth Gipsy, qu'elle gare au Bourget. Pour embarquer des passagers avec elle, il lui faut encore son brevet de transport public. Pour cela, elle traverse la France du Bourget à Marseille, en passant au-dessus du Morvan, où les conditions climatiques la mettent en danger.
Rêvant de plus grands défis, elle achète en Angleterre un avion Avro, en juillet 1932, et pilote sur cet appareil présenté comme sûr. L'affaire est mauvaise et Hélène a un accident dans le Morvan justement, où elle échappe de peu à la mort. L'avion abîmé, l'aviatrice ruinée par cet achat : l'avenir s'annonce plutôt sombre. Hélène relève le défi. Décidée à maintenir sa carrière dans l'aviation, et soucieuse de faire rayonner le nom de la France, elle décide d'un raid en solitaire de Paris à Saïgon.
L'Avro réparé à grands frais, elle repart, début 1933. La traversée est mouvementée et s'interrompt en Irak, avec une nouvelle panne. Le ministère français de l'Air a refusé son soutien à l'aviatrice, qui vole sur du matériel britannique ; et en Irak, les Anglais sont décidés à ne pas faciliter la vie de cette Française. Elle regagne la France. La presse s'intéresse à elle, saluant son héroïsme et sa volonté.
Pour payer ses dettes, Hélène enchaîne les meetings aériens et se forme à la voltige. De compétition en compétition, elle atteint et dépasse les records féminins, puis toutes catégories de son époque, en hauteur de vol, en vitesse ou encore en endurance. Elle est devenue une étoile de l'air, aux côtés des plus grands.
Soutenue désormais par le ministère de l'Air, elle devient en 1934 l'égérie de la firme Renault, qui s'est lancée dans la fabrication de moteurs d'avions. Louis Renault la rencontre et la soutient. Elle devient la première femme à piloter un Caudron-Rafale.
A bord de cet appareil nouveau, elle pulvérise de nouveaux records et défend l'image de son pays dans cette industrie de pointe. Mais la fin est proche. Le 30 novembre, malgré un temps exécrable, la jeune femme de 26 ans décide d'aller s'entraîner. Au moment de l'atterrissage, l'avion s'écrase au milieu des arbres du bosquet en bout de piste.
L'enchaînement des manœuvres avec un avion si rapide, par un temps très venteux et pluvieux a été fatal à Hélène Boucher. Sa famille est dans la consternation la plus totale. Le corps d'Hélène Boucher, exposé aux Invalides, vient d'être décoré de la Légion d'honneur à titre posthume. La presse, les corps de l'Etat, les grands aviateurs lui rendent hommage. Elle a ouvert une voie pour l'aviation féminine. Gabriel Privat
Photo Wikimedia commons CC
Renault n’a mis cette femme en avant qu’à des fins marketing…