La louange en questions
« Mon âme exalte le Seigneur ! », s’exclame Marie, alors que l’ange Gabriel vient de lui annoncer une nouvelle pour le moins étonnante, l’Incarnation de Dieu en elle. La Bible, la messe, les offices liturgiques… Tous ces textes sont emplis de louange à Dieu.
Alors penchons-nous sur le sujet, en nous inspirant du livre Je loue donc je vis (éditions Emmanuel) du Père Alain Dumont. Celui-ci est prêtre dans le diocèse de Fréjus-Toulon et auteur de chants de la communauté de l’Emmanuel, tels que « Il a changé nos vies » ou « Louez, louez-le ».
Qu’est-ce que la louange ?
Il existe des définitions plus ou moins larges. Pour le Catéchisme de l’Église catholique (paragraphe 2639), la louange est « la forme de prière qui reconnaît le plus immédiatement que Dieu est Dieu » et « elle le chante parce qu’il EST ». En effet, « alors que toutes les créatures ont reçu de Dieu tout leur être et leur avoir, Lui seul est son être même et Il est de Lui-même tout ce qu’Il est » (Catéchisme de l’Église catholique, paragraphe 213).
La louange « intègre les autres formes de prière et les porte vers Celui qui est la source et le terme ». Toujours selon le Catéchisme, les autres formes de prière sont la bénédiction et l’adoration, la prière de demande, la prière d’intercession et la prière d’action de grâces.
Dans Je loue donc je vis, le Père Alain Dumont propose une vision concrète de la louange, la considérant comme « un réflexe spirituel à acquérir pour rester ancré en Dieu, pour vaincre par Lui toutes les épreuves du quotidien, des plus petites aux plus grandes ».
Il donne l’exemple d’une histoire qui lui est arrivée quand il était séminariste en Belgique, en 1989. Il venait de terminer de préparer son premier exposé, qu’il allait soutenir devant une soixantaine d’étudiants et quatre professeurs. Alors qu’il décide d’imprimer ce qu’il croit être « l’exposé du siècle », et qu’il a rédigé sur une machine à traitement de texte - l’ancêtre de l’ordinateur -, il appuie par erreur sur la touche d’effacement général.
« Normalement, vu mon tempérament, j’aurais dû prendre la machine et la jeter par la fenêtre ! Au lieu de cela, voilà qu’un frisson me parcourt des pieds à la tête et je m’entends crier : "Gloire à DIEU !" Comme un juron... mais sans jurer ! Monte alors en moi une paix invraisemblable. » Comme si soudain, il se rappelait qu’il y avait des choses bien plus graves dans l’existence et que cette épreuve était une occasion de grandir dans l’abandon à l’Esprit-Saint. Il ne s’agissait pas tant de remercier Dieu que de lui dire : « Je remets cette épreuve entre Tes mains ».
Le séminariste, à 2 heures du matin, réussit à écrire à la main un exposé, qui est apprécié le lendemain. à ce moment, il dit au Seigneur : « Si Tu veux me montrer quelque chose, c’est le moment ! » Il aperçoit alors un étudiant qu’il ne pouvait pas supporter, et s’exclame « Gloire à DIEU ! », puis, comme poussé dans le dos, l’invite à boire un verre, et commence à l’apprécier. Il est aujourd’hui toujours en lien avec lui.
Il commençait donc à acquérir ce « réflexe spirituel », qui allait l’aider à arrêter de se plaindre des moutons de poussière du lieu communautaire où il vivait, pour aller chercher le balai... Et figurez-vous que l’auteur de cet article, en s’exclamant « Gloire à DIEU ! » alors qu’elle était en train de bercer son bébé depuis un bon moment – celui-ci ne s’endormait toujours pas malgré l’heure tardive -, a en effet pris conscience que la gloire de Dieu dépassait infiniment la fatigue maternelle, et cela l’a aussi aidée à prendre du recul et à traverser cette petite épreuve. Elle n’est pas encore au niveau de l’auteur du livre, qui disait entre cent et deux cents « Gloire à DIEU ! » par jour...
Notons d’ailleurs que l’auteur écrit DIEU en majuscules, « pour ne pas abandonner ce Nom à la banalité : prononcer ou écrire le Nom de DIEU n’est jamais anodin ». Il ajoute : « Nos frères juifs écrivent à peine "D.", par respect, et ajoutent toujours au moins "Béni-soit-Il", afin de se préserver de toute tentation de le profaner. » Un éclairage intéressant, alors que la louange est le lieu de l’invocation de Dieu.
Y a-t-il un lien entre louange et sacrifice ?
« Sacrifice » signifie étymologiquement « rendre sacré » quelque chose, en l’offrant par amour. C’est ce qu’explique sainte Thérèse de Lisieux, écrivant à Jésus dans Histoire d’une âme : « Je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour ».
C’est exactement la logique de la louange, faisant de tout événement, triste ou joyeux, l’occasion de louer Dieu. L’idée n’étant pas, bien sûr, de se réjouir des problèmes, mais de redire à Dieu qu’on croit en lui et qu’on l’aime. « La louange se présente comme un acte de foi et d’espérance appelé à s’achever dans l’action de grâce », affirme le Père Alain Dumont.
Parfois, la louange peut paraître dérisoire face à une grande épreuve, telle la fronde de David. « Et si nous regardons le "nouveau David", le Christ Jésus, qu’est-ce que la Croix pour vaincre le péché du monde, sinon un moyen bien dérisoire au regard de la raison ? », interroge l’auteur de Je loue donc je vis. Cependant, la Croix est comme « une torche de lumière éternelle plantée résolument là même où les ténèbres sont les plus redoutables ». Quand la Croix est plantée, là où menace la mort, jaillit la Vie. La louange est une arme qui permet de s’en remettre à Dieu, dans l’épreuve et dans la joie. Et justement, la louange apporte la joie.
S’il y a bien un événement où un sacrifice est offert à la louange du Très-Haut, c’est la messe. Le Catéchisme nous l’explique : « L’Eucharistie est le sacrifice de louange, par lequel l’Église chante la Gloire de Dieu au nom de toute la création. Ce sacrifice de louange n’est possible qu’à travers le Christ : Il unit les fidèles à sa personne, à sa louange et à son intercession, en sorte que le sacrifice de louange au Père est offert par le Christ et avec Lui pour être accepté en Lui » (paragraphe 1361). Seul Jésus peut rendre un « sacrifice parfait », comme le souligne la première prière eucharistique.
La louange est-elle « gratuite » ?
On pourrait avoir l’impression que la louange est gratuite, puisqu’il s’agit de chanter la gloire de Dieu pour Lui-même, sans rien demander ni attendre de retour. Lorsque nous allons à la messe (parfois sans entrain, malheureusement), nous n’avons pas toujours l’impression de faire quelque chose d’« utile ». Et pourtant ! Louer Dieu n’est que justice : en effet, et étant donnée l’immensité de sa gloire et de son amour, toute adoration lui est due. « Il est juste et bon de te rendre gloire », dit la préface du missel. Il est le seul digne d’être loué et adoré - plutôt que nos petites idoles -, car il est la source de notre être.
Même si notre louange n’ajoute rien à la majesté de Dieu, elle nous permet de faire un acte d’adoration et d’entrer davantage dans la relation d’amour à laquelle il nous invite, et pour laquelle nous sommes faits.
Pourquoi louer à plusieurs ?
Dans les Écritures, la sainteté est « la conscience vive d’appartenir à un peuple que DIEU convoque pour L’écouter, garder Ses commandements et ainsi faire retentir Sa louange dans le monde, rappelle le Père Alain Dumont. Aucun saint, qu’il soit canonisé ou non, n’a été en "roue libre". » Quand saint Paul dit dans l’épître aux Corinthiens, « Vous êtes le Corps du Christ », c’est vrai dans la foi.
« Or il n’y a pas de signe plus fort de cette unité du Corps du Christ que le chant pris d’un seul cœur – un seul chœur -, à condition de bien percevoir que, lorsque chacun chante, ce n’est jamais pour soi-même mais pour tout le Corps », affirme Alain Dumont. La louange communautaire – en famille, en paroisse, ou encore en communauté – permet de vivre particulièrement cette sainteté du Corps du Christ. Le fruit de tout cela ? Une joie spirituelle, que rien ni personne ne pourra nous enlever. Solange Pinilla
(Photo © Pascal Deloche/Godong)
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