Marie-Amélie, maman solo d’un adolescent autiste
Mère de 4 enfants et veuve, Marie-Amélie Saunier est touchée par ricochet par la vulnérabilité de son fils Paul, qui est autiste.
Il est des personnes que la vie semble avoir peu épargnées. C’est le cas de Marie-Amélie : son premier enfant, Paul, est autiste. Un diagnostic posé quand il avait 20 mois : « autiste infantile précoce dit de Kanner ».
Et lorsque leur quatrième enfant était encore un bébé, son mari est décédé à l’âge de 35 ans, après quelques semaines de maladie.
Les enfants ont grandi. Paul est maintenant un jeune adulte. Depuis de nombreuses années, sa mère a publié une chronique dans le magazine Ombres & Lumière de l’Office chrétien des personnes handicapées (OCH). Un livre est paru, On n’est pas à l’abri d’un bonheur. Ma vie avec un ado autiste (Salvator), rassemblant certaines de ces chroniques sur les années où Paul était adolescent.
« A ceux qui voient du courage dans ma situation, je réponds toujours qu’il n’y a rien d’admirable à s’occuper seule de quatre enfants, et que mon combat se situe contre ma fatigue, ma mauvaise humeur, mon désespoir, mes cris, mon incapacité à être dans la joie, affirme Marie-Amélie. Je veux bien être félicitée quand je gagne ces batailles et je veux bien entendre que ces victoires sont précieuses. »
Le quotidien est sportif. A partir de ses 12 ans, progressivement, Paul a intégré une structure médico-sociale, jusqu’à entrer dans un internat de semaine à 17 ans.
La vie de Marie-Amélie ne ressemble donc pas à celle des autres. Ainsi, elle évoque l’angoisse du 18-20 heures pour les parents, avec les bains, les cris, les enfants qui courent, le pyjama à l’envers... « Personnellement, j’adore le 18-20 ! raconte-t-elle. Mon angoisse, ce serait plutôt le 14-18 heures... Que faire quatre heures durant avec un enfant qui s’intéresse à si peu de choses, qui ne parle pas, qui ne joue pas et qu’il faut surveiller sans cesse ? (...) Alors je compte les quarts d’heure passés. Je compte ces heures interminables où il se couvre de terre et mange du sable, où il saute en criant, sans pouvoir échanger un mot, une pensée. Vivement que sonne enfin 18 heures. Ça y est, la vie reprend. Les bains, les cris, le pyjama à l’envers... Génial ! »
La vulnérabilité de Paul s’exprime notamment dans la photo familiale pour les vœux, et délivre un message, selon sa mère : « La photo de famille rayonne d’un éclat particulier quand l’un de ses membres présente un handicap flagrant. N’est-ce pas alors que l’on sent toute la force et l’intérêt d’une famille ? Ne se dit-on pas : ici se vit une expérience de vérité plus forte qu’ailleurs ? Non seulement cette famille accueille une personne d’une grande fragilité, mais, comble de l’humilité, elle ne peut pas cacher l’évidence qui saute aux yeux même sur la photo des vœux ».
Marie-Amélie affirme avec humour que l’autisme est une maladie contagieuse : à force de vivre avec une personne qui veut toujours les mêmes horaires, les mêmes musiques et les mêmes activités, elle finit par adopter une certaine rigidité de fonctionnement, afin d’éviter les situations de crise.
Mais aussi, entre la tentation de la culpabilité, de la comparaison, et le fait de devoir régulièrement évaluer les bienfaits de la prise en charge, de la thérapie, de son positionnement, elle se dit « fragilisée », mais « plus humaine ». D’ailleurs, elle conseille à ses enfants non handicapés d’avoir, entre autres, « des amis qui ne sont pas sortables », plus fragiles.
Les personnes avec un handicap mental ont un rôle précieux dans le monde, affirme-t-elle : « Leur fragilité exposée, leur vulnérabilité qui crève les yeux nous oblige à la douceur : il faut faire attention, avoir beaucoup de délicatesse et prendre le temps. Il faut savoir les écouter même si elles n’ont pas les mots. Ces adultes en marge de toute compétitivité et de toute recherche de pouvoir questionnent nos vies, la valeur de nos projets, la vacuité de nos préoccupations parfois. En ce sens, ils sont des prophètes. Peut-on se passer de prophètes ? » Sans doute pas. A nous de le redécouvrir. Solange Pinilla
> Lire les autres témoignages de notre dossier "Vivre la vulnérabilité" dans Zélie n°81 - Février 2023
Photo © Thomas Bouchard
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