Marie-Clotilde de France, reine et vénérable
Marie-Clotilde de France naît à Versailles le 23 septembre 1759, fille du Dauphin Louis-Ferdinand - qui est l’aîné des fils de Louis XV - et de la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe. Cinquième née du couple princier, Marie-Clotilde grandit dans l’atmosphère de piété dont ses parents et les précepteurs des enfants de France veulent imprégner leur univers. Héritant d’un embonpoint génétique, elle reçoit le surnom de « Gros Madame »...
Malgré cette disgrâce, elle se distingue par la douceur de son caractère et son désir du Ciel, comme le raconte l’historienne Dominique Sabourdin-Perrin dans sa biographie Marie-Clotilde de France. La sœur oubliée de Louis XVI (Salvator). Femme instruite, elle cultive une proximité particulière avec sa jeune sœur, Madame Élisabeth, dans la foi commune. La biographe raconte que ses élans cachent les marques d’une vocation religieuse.
La politique de l’État en décide autrement. Marquée jeune par la mort de son frère aîné puis de ses parents, enfin de son grand-père le roi Louis XV, Marie-Clotilde fait confiance en tous points à son frère Louis XVI. Or, celui-ci souhaite marier Marie-Clotilde à un prince de Savoie, afin de resserrer les liens entre la France et ce royaume qui a donné deux princesses à la cour, avec les épouses des comtes de Provence et d’Artois. Le prince héritier de Savoie semble rétif ; sa grande piété le tourne également vers la vocation religieuse. Le 21 août 1775, à Versailles, Marie-Clotilde épouse finalement Charles-Emmanuel de Savoie.
Les jeunes mariés s’installent à Turin, capitale du domaine des Savoie. Malgré les craintes, l’entente est parfaite entre eux. D’enfants, il n’y aura pas, mais les époux s’illustrent par leur accord de caractère, leur foi intense et les aumônes qu’ils pratiquent pour les pauvres et les communautés religieuses.
Les événements de France en 1789 horrifient Marie-Clotilde et son époux. Ils ne prennent cependant pas la mesure de la Révolution. La princesse reçoit des émigrés de France à la cour. Le comportement arrogant des Français lasse vite les Turinois. La mort de Louis XVI, puis celle de Marie-Antoinette et de Madame Elisabeth sont autant de traumatismes pour Marie-Clotilde. L’agitation libérale en Piémont lui fait craindre le pire. Depuis septembre 1792, le royaume a entamé avec la France une guerre désastreuse qui lui a fait perdre la Savoie.
En 1796, la mort de Victor-Amédée pousse Charles-Emmanuel sur le trône. Marie-Clotilde, devenue reine de Piémont-Sardaigne, assure ses fonctions avec constance, tout en laissant se déployer en elle une piété renforcée qui la conduit à porter une robe de laine bleue à la place des tenues de cour.
Assistant régulièrement à la messe, laissant ses bijoux en cadeaux aux reliques et statues des saints, versant sans compter son argent pour les pauvres, la reine est aussi confrontée à d’autres épreuves intimes. Le roi, victime de crises de démence régulières, laisse alors son épouse gouverner. Comme dans toutes les actions de sa vie, elle s’acquitte avec énergie et dévouement de cette tâche. Elle reçoit les ministres et décide avec eux de la politique à mener.
Pris dans le système des alliances hostiles à la France, Marie-Clotilde et son mari perdent leurs états en décembre 1798, doivent abdiquer et quitter le Piémont, occupé par les armées françaises. Ils se réfugient en Sardaigne, autre possession des Savoie. Craignant un soulèvement contre lui et croyant recouvrer ses états continentaux, Charles-Emmanuel passe en Italie avec Marie-Clotilde quelques mois plus tard.
C’est alors un chemin d’errance qui conduit le couple royal en Toscane, puis à Rome, à Naples, de nouveau à Rome et à Naples, où Marie-Clotilde meurt, épuisée, le 7 mars 1802. Sa cause en béatification fut ouverte en 1806 et la reine déclarée vénérable en 1808. Gabriel Privat
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