Sabine Kimmel, chef d’établissement
Diriger un collège d’enseignement catholique avec 750 élèves et près de 90 personnes à manager, c’est ce que Sabine Kimmel a fait pendant neuf ans.
Contrairement à beaucoup de ses collègues, elle n’a pas mené toute sa carrière dans l’enseignement : Sabine Kimmel, chef d’établissement de l’enseignement catholique (sous contrat d’association avec l’État), a d’abord passé dix ans à s’occuper de crédit aux entreprises dans une banque. Lors d’une pause à l’occasion de la naissance de son troisième enfant, elle fait de la catéchèse dans une école à Paris, tout en commençant un DEA de gestion à Dauphine.
Pendant cette période, la direction de l’établissement où elle enseigne la catéchèse cherche une suppléante en économie. « A 42 ans, j’ai eu une première expérience d’enseignement ! Cela m’a beaucoup plu. J’ai fait des remplacements et enseigné un an à temps plein, puis nous avons déménagé à Lyon, où j’ai été à nouveau suppléante d’économie dans un collège-lycée de taille moyenne. » À ce moment-là, la religieuse responsable du niveau des Secondes prend sa retraite ; Sabine postule et est acceptée. Puis elle est nommée directrice de la partie lycée, où elle exerce pendant plusieurs années.
De retour à Paris, elle envoie sa candidature auprès des directions diocésaines ; on lui propose de devenir chef d’établissement du collège Saint-Justin à Levallois (Hauts-de-Seine), à la tête duquel elle a passé neuf années.
L’été dernier, elle a pris sa retraite ; mais à l’automne, on l’a appelée en urgence pour assurer provisoirement la direction de l’établissement Sainte-Croix de Neuilly – qui compte pas moins de 160 professeurs –, à la suite du départ du directeur en cours d’année.
Le métier de chef d’établissement comprend de nombreuses responsabilités. « Il est envoyé en mission pastorale par l’évêque, afin de développer l’aspect spirituel de l’établissement, explique Sabine. Le chef d’établissement gère les ressources humaines, a une mission pédagogique, s’occupe de ce qui est matériel – l’entretien, la rénovation et la création des locaux – et enfin se penche sur les questions financières. »
Pour cette dernière question, il est aidé par l’Ogec (Organisme de gestion de l’enseignement catholique), composé de bénévoles, qui s’occupe des comptes de l’établissement et paye ceux qui ne sont pas salariés par l’Éducation nationale : les surveillants, les responsables de niveau et les personnes chargées de l’entretien et de la restauration. Au collège Saint-Justin, Sabine manageait une équipe de 55 professeurs et de 35 personnes salariées par l’Ogec.
Lorsque nous demandons à Sabine ce que signifie, pour elle, être chef, elle répond : « Savoir constituer des équipes, les faire travailler ensemble et travailler avec elles. » Un mot qui revient souvent dans notre entretien, c’est celui de la confiance : « Il s’agit de confier des responsabilités avec discernement et ensuite de faire confiance, car on ne peut pas tout voir ni tout savoir. Qu’un groupe humain fonctionne bien, c’est le plus important. Il faut savoir déléguer ; ce qui ne signifie pas répartir son travail sur tout le monde ! », ajoute-t-elle. « Travailler en équipe, c’est voir des gens à qui l’on est content de dire bonjour le matin. C’est aussi les aider à évoluer et à se former. »
Sabine ne fait pas mystère de sa foi chrétienne, et celle-ci influe sur sa manière de diriger : « Mes proches le savent, j’ai une foi solide ; je remonte le moral de mes troupes en disant : "La Providence s’occupe de nous !". Il est également important pour moi de m’entourer de personnes qui partagent cette foi. Être chrétien cependant, ce n’est pas tout admettre ; par exemple, on peut refuser le dossier d’un élève si c’est nécessaire. » La foi amène aussi Sabine à considérer les professeurs et le personnel employé par l’Ogec comme « des personnes entières, qui ont une vie de famille à côté ».
« Je prends aussi le temps de les remercier, et de reconnaître leur travail, leurs progrès, leur présence. Pour moi, c’est naturel ; quand ce n’est pas le cas chez un chef d’établissement, c’est un problème. » A l’occasion de Noël, dans son établissement actuel, une grande assemblée réunissant tout le personnel n’a pas pu être organisée en raison de la Covid, mais un petit cadeau a été déposé dans le casier de chacun.
On observe que certaines personnes ayant des responsabilités ont parfois tendance à abuser de leur autorité, et, comme la plupart des autres milieux, l’enseignement en général n’échappe pas à cette réalité. Pour lutter contre ces excès, Sabine voit plusieurs pistes, parmi lesquelles celle de la formation des cadres, qui pourrait davantage évoquer ce risque et permettrait « d’aller au-delà de tempéraments trop forts ». Cela se joue également dans le recrutement, même si éviter des profils dominateurs n’est pas toujours facile : « On peut se tromper et ils peuvent nous tromper ».
Le fait d’être dirigeante en tant que femme inspire à Sabine ces remarques : « Sans trop généraliser, car chaque personne est unique, j’ai l’impression que les femmes chefs ont une approche différente, avec davantage d’intuition, de feeling, et un regard plus large, qui sort des seuls critères professionnels ; il me semble qu’elles sont davantage détachées des titres ou des bureaux. Cela dit, je vois qu’il existe aussi, chez les chefs d’établissement, des femmes froides, et des hommes attentifs ! C’est bien d’alterner entre hommes et femmes. »
La question de l’articulation entre vie professionnelle et vie privée n’est pas toujours aisée quand on est femme et dirigeante. « Aux jeunes femmes professeurs ou adjointes, je dis : "C’est un poste où vous devez poser des limites, pour ne pas vous laisser déborder." Je donne toujours priorité à la vie familiale. Cet équilibre est fragile. Quand les enfants sont grands, on a davantage de temps ! ». Par ailleurs, le soutien du mari de Sabine a été précieux dans ses projets professionnels.
Une phrase qui la guide ? « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,16). « Cela me donne confiance, car je sais qu’il y a Quelqu’un, quelque part, qui me guide, même si je n’en ai pas toujours conscience. Je me réfère à ce verset quand j’ai des questions trop difficiles à résoudre. » Solange Pinilla
Crédit photo © Institution Notre-Dame de Sainte-Croix
Comments